jeudi 20 octobre 2016

François - Arrivée à Richards Bay, Afrique du Sud



Mardi 11 Octobre

Après une nuit assez pénible car le bateau s'est mis à bouger dans tous les sens, j'ai émergé difficilement vers 5h pour voir les premières lueurs du jour, et parce que je ne me sentais vraiment pas très bien allongé. J'ai donc pu admirer toutes les phases de l'aube, assis dehors mais tout près de la porte, sur la zone qui restait la plus sèche, car des paquets de mer s'abattaient régulièrement ailleurs. En dépit de ma fatigue, j'ai quand même profité du spectacle pendant quasiment une heure. J'ai regardé la carte : nous étions tout près du but !


Et en effet, vers 7h30, dans une mer bien agitée, avec des paquets de mer qui s'écrasaient souvent à tribord, on a enfin aperçu la côte africaine ! Le bateau filait avec un vent portant (qui soufflait à 30-40 nœuds apparents) et surfait sur les vagues, régulièrement à plus de 15 nœuds, avec des pointes à 17-18 nœuds, sensation toujours agréable !



Notre trajectoire ce mardi matin, en approche de la côte sud-africaine, le terme du voyage tout proche !





Premier aperçu de la côte sud-africaine


 

Nous avons effectué le changement d'heure habituel qui marque l'arrivée dans un nouveau pays, comme nous l'avions fait en abordant Madagascar. Puis a débuté la lente phase d'approche du port, ralentie par le vent qui a faibli, pendant que nous longions déjà les côtes sud-africaines, à une quarantaine de milles au nord de Richards Bay. Il était cependant certain maintenant que nous toucherions au but à la mi-journée, ce qui constituait un soulagement certain pour nous tous : le contre-la-montre était couronné de succès !






Une épave de cargo, semble-t-il, près de la côte
 




Un sémaphore, premier témoin du retour vers la civilisation


 
Malgré une fatigue marquée mêlée à une certaine excitation liée à l'arrivée proche, nous avons pas mal profité de ces toutes dernières heures en mer en restant dehors à observer le spectacle marin. Arrivés vers midi à l'entrée du port, nous avons affalé la grand voile, mettant ainsi un terme à la traversée, avant de rentrer doucement au moteur dans le chenal du port, pour atteindre finalement le Zululand Yacht Club (ZYC) sous un soleil de plomb et une chaleur plus connue depuis des semaines (plus de 30°C, avec un bon taux d'humidité).
 




On range, la traversée est finie ! Il est temps de rentrer au port...
 





Le port se profile, visible au tout dernier moment en face du chenal, la présence humaine est très discrète côté Océan...
 



Ca y est on passe une digue, c'est l'entrée officielle dans le port


Nous avons appelé les autorités pour engager les formalités d'immigration, et nous sommes allés nous amarrer un ponton qui nous a été assigné. Au bout de plusieurs heures et sans nouvelle des douanes, nous avons décidé de mettre le pied à terre et d'aller boire un verre au bar de la Marina, puis d'y dîner au petit restaurant, ce qui nous changeait du bord. C'était assez sympa de revoir un bar, d'autres gens, une autre ambiance.
 



La marina se profile au loin !
 




Oh ! Un pêcheur !
 

Arrivée au Zululand Yacht Club, il n'y a plus qu'à trouver une place

Pendant que nous y étions, vers 19h, un bon coup de vent s'est levé, ce qui a apporté une réponse définitive à la question de la marge météo dont nous disposions réellement : nous étions arrivés à Richards Bay 6 à 7 heures plus tôt. Ce timing correspondait à la plus pessimiste des prévisions que nous avions consultées avant de partir avec une arrivée du coup de vent de sud que nous redoutions dès le mardi en soirée. Tous nos efforts pour maximiser notre vitesse durant toute la traversée se trouvaient ainsi justifiés, ces heures là, nous les avions arrachées durant ces 5 jours de mer, dès notre départ aussi rapide que possible le jeudi 6.

Tombant tous les trois de fatigue, nous sommes rentrés au bateau et, peu après 20h, avons commencé, enfin une longue nuit réparatrice…  Ce qui conclut ainsi le récit de cette grande traversée, où nous avons connu tant de conditions différentes, changeant régulièrement. 

Je raconterai dans un prochain billet les quelques jours à la marina de Richards Bay et le retour.




mercredi 19 octobre 2016

François - Contre la montre



Lundi 10 Octobre

J'ai peu dormi, avec le bruit des deux moteurs déjà, qui ont été progressivement coupés à mesure que le vent correspondant au passage du front s'est brutalement levé, entre 3 et 4 h. D'un coup, Bluenote s'est mis à beaucoup bouger et à taper parfois assez violemment sur l'eau, ce qui rendait le sommeil impossible, et même allongé, je ne me sentais pas très bien. J'entendais des pas au dessus de ma couchette, Georges et Paul qui devaient être en train de faire des réglages pour adapter le bateau au coup de vent que nous traversions.

J'ai appris plus tard qu'un mousqueton de l'écoute de foc s'était inopinément détaché pendant que les éléments se déchaînaient (et dans le noir de la fin de nuit…), et que cela avait demandé une certaine lutte à Georges pour reprendre la situation en main.  J'ai réussi à trouver la force et motivation d'émerger peu après le lever de soleil (non visible semble-t-il) pour retrouver les deux équipiers qui finissaient de s'affairer sur les réglages du bateau. Avec un vent qui était bien revenu, les conditions étaient bonnes pour avancer sans les moteurs, autour de 10 nœuds, ce que nous avons fait toute la matinée. En revanche, la mer était bien formée et le bateau gitait pas mal, tapait parfois violemment sur certaines vagues, je me sentais un peu moins bien.


La trajectoire suivie se rapprochant nettement de la trajectoire théorique


Le tableau de bord de Bluenote, qui filait bien à 10 nœuds ce matin là

Malgré cela, le moral était plutôt meilleur avec ce bateau qui filait bien, malgré les mouvements, et la perspective, à 240 milles de l'arrivée, d'une arrivée mardi. Par contre, il ne fallait pas être trop pressé mardi (le lendemain), parce que ces bonnes conditions de vent de sud suite au front allaient cesser, ce qui ne manqua pas de se produire juste après le déjeuner, et qui provoqua alors une relance d'un des deux moteurs, puis rapidement des deux, pour continuer à avancer. Nous avons ainsi fait tout l'après-midi et la soirée avec les deux moteurs.


Je me suis pas mal reposé durant l'après-midi avec une grosse sieste qui était nécessaire, car la fatigue était bien là et avait tendance à s'accumuler. Le soir, j'étais plutôt d'attaque pour mon très probable dernier quart de nuit, dont j'ai bien profité avec ces conditions calmes, pour admirer la Lune, les étoiles, profiter d'être dans une de ces très belles périodes sur Bluenote. Vu l'allure maintenue par les 2 moteurs, autour de 7-8 nœuds, il devenait certain que l'arrivée se fasse mardi, et le moral était donc très bon. Je me demandais quand est ce que je referais mon prochain quart de nuit… 

Dernier coucher de soleil en mer sur l'Afrique, maintenant proche...




En fin de quart, le vent a basculé au nord et s'est levé comme nous l'attendions. Je suis allé réveiller Georges qui me relevait et nous avons hissé la grand voile pour reprendre de l'allure, et les moteurs ont été rapidement coupés, je suis parti me coucher assez heureux de la perspective de l'arrivée et de cette dernière nuit en mer.



mardi 18 octobre 2016

François - Journée bien contrastée


Dimanche 9 Octobre

Au réveil peu avant le lever du jour (j'étais bien réglé après quelques jours…), j'ai tout de suite depuis ma couchette senti la sensation de vitesse, le bateau glissait sur l'eau, pas de doute : les conditions espérées étaient bien là, le vent avait bien forci. En sortant je vois que nous avons bien incurvé notre trajectoire pour garder un bon angle au vent pendant la nuit, plongeant vers le sud, dans une mer assez agitée.



La trajectoire de Bluenote le 9 octobre, prise un peu plus tard dans l'après-midi

Bien évidemment, cette trajectoire qui plongeait vers le sud ne nous faisait pas vraiment faire une route directe, il fallait donc corriger ça et empanner. Georges s'est réveillé de lui-même vers 6h et nous avons effectué la manœuvre tous les trois de bon matin, pour redresser le cap. Le soleil commençait à faire de timides apparitions, alors que, pour la première fois depuis un moment, il n'y avait pas eu de lever de soleil visible avec la grisaille.


Manœuvre de bon matin, à 6h

 


Une fois l'empannage effectué, le bateau filait à belle allure, surfant sur les vagues et atteignant souvent des pointes à 15-17 nœuds ! On sentait que c'était vraiment fait pour ce genre de conditions : vent portant, environ 15-20 nœuds apparent, le gennaker que nous avions laissé toute la nuit pour profiter du vent donnait sa pleine mesure. La matinée fut assez grisante avec une moyenne de 12-13 nœuds je dirais, avec ces pointes à 15-17, on glissait vraiment sur l'eau, avec une belle sensation de vitesse, et un sentiment très sympathique de rattraper le retard qui avait pu être pris plus tôt. Le vent s'est même un peu emballé, et nous avons ainsi du retirer le gennaker vers 11h.

Le gennaker est roulé

Une nuée d'oiseaux qui pêchent, soudainement, notre allure élevée ne nous a pas permis     de profiter du banc de poisson...

Juste après cela, après avoir identifié les horaires de passage de satellites au dessus de la zone, nous nous sommes connectés avec l'Iridium pour télécharger de précieux fichiers de modèle météo (l'américain GFS) pour avoir des prévisions plus actualisées. Il nous fallait notamment une bonne visibilité sur la fin de la traversée, puisque nous commencions à en approcher avec : 1) un passage de front pour la journée du lundi 10, puis 2) la menace du second front de la nuit du mardi 11 au mercredi 12.

Après plusieurs tentatives, nous avons enfin pu récupérer à l'heure du déjeuner le précieux fichier, qui a précisé le scénario attendu : 1) nous devions croiser le front avec une levée assez brutale du vent de sud à son passage (et certainement de la mer associée…) la nuit suivante ou peut être dans la matinée de lundi. 2) entre la nuit suivante et la journée de mardi, un vent de nord/nord-est se renforçant sur la zone devait nous permettre de rentrer à Richards Bay, avant l'arrivée d'un second front assez costaud, peut-être en cours de nuit de mardi à mercredi.
                            Georges et Paul font le point météo, analyse de l'évolution prévue                                       et de la route envisagée


Ces informations étaient plutôt rassurantes quant à la fin de notre traversée, dont nous avions accompli à midi la moitié de distance. Les conditions s'annonçaient donc très changeantes pour les dernières 48h, avec déjà un net affaiblissement du vent en vue, qui n'a pas manqué de se produire.

En début d'après-midi, comme prévu par les fichiers météo du départ, le vent a terriblement molli, on a décidé de remettre le gennaker pour avoir un maximum de voile, mais entre le début et la fin de la manœuvre, le vent et l'état de la mer sont retombés de façon impressionnante, je ne pensais pas que ça pouvait se calmer aussi rapidement !! Nous avons donc abandonné le gennaker aussi vite que nous l'avions hissé à nouveau, retour au foc ! Et dès 14h30, le moteur ronronnait à nouveau pour nous assurer un train suffisant autour de 7 nœuds.  Heureusement que nous avions bien avancé jusqu'au déjeuner ! Georges a profité de cette nette accalmie pour faire preuve d'un autre de ses talents : il a préparé du pain, car nous avions épuisé nos stocks malgaches.

C'est vraiment un sacré changement d'ambiance à bord quand le moteur fonctionne, son ronronnement régulier berce d'une façon plus régulière que la houle capricieuse du coin. C'est rassurant de pouvoir compter dessus pour avancer dans des conditions météo aussi défavorables, mais c'est aussi une négation, en quelque sorte, de la nature même du voilier… En cours d'après-midi, nous avons croisé un cargo de 220m, baptisé Francesco Corredo je crois, à 2 milles environ, qui filait vers Colombo (Sri Lanka), toutes ces informations étant fournies par le radar AIS.




Une journée toute en contraste donc, qui s'est achevé bien tranquillement, alors que des nuages se présentaient à l'horizon ouest, annonçant le front du lendemain. Au coucher de soleil, invisible, une barre nuageuse traversait une large partie de l'horizon et nous a concernés. Avec une accélération très temporaire du vent, qui est retombé aussitôt après. 






En soirée, la situation était un peu décourageante car les deux moteurs tournaient, en l'absence totale de vent, et probablement avec un peu de courant défavorable, tous les éléments étaient contre nous, et nous avancions à peine à 6 nœuds… Il nous restait 325 milles en direct jusqu'à l'arrivée, soit 54 heures de navigation à cette allure, on consommait pas mal d'essence, ce qui nous mettait dangereusement à portée du coup de vent de la nuit de mardi à mercredi, c'était donc un peu la course contre la montre qui continuait avec cette avance reperdue. Nous espérions un vent plus favorable, au moins pour la journée de mardi, avec une importante incertitude météo pour lundi…
Les conditions lors de mon quart de nuit furent incroyablement monotones avec une nuit quasiment sans vent, mer calme, ambiance très humide dehors (tout était mouillé, sans pluie), et les deux moteurs du bateau qui ne faisaient avancer qu'à 5-6 nœuds…

lundi 17 octobre 2016

François - Calme, trop calme ?



Samedi 8 Octobre

Après une nuit tranquille et plutôt réparatrice, malgré le grondement, assez fort et continu, du moteur qui ne nous a pas quittés, je me suis levé pour voir le lever de soleil. Toujours un joli spectacle, auquel j'essaie d'assister quand je peux ! 






Passée la satisfaction d'admirer le spectacle matinal, place à une certaine inquiétude : nous n'avancions toujours pas, ce samedi matin, le moteur nous permettant juste de tenir un petit 5 nœuds, très en deçà de la vitesse calculée pour notre traversée. On a donc ajusté les voiles (lâchage du ris, mise en place du gennaker) pour prendre le peu de vent qu'il y avait, et notre allure a légèrement progressé ainsi, nous avons fait du 6-7 nœuds toute la matinée.



Cette faible vitesse avait au moins un avantage : celui de nous permettre d'utiliser le dessalinisateur d'eau pour remplir nos bouteilles d'eau, ainsi que les cuves d'eau douce. Au meilleur de sa forme, il permet de produire 60 litres par heure, ce qui n'est pas négligeable du tout ! Nous avons donc pu refaire le plein.

 





Le Mac sur le carré, à bord, où j'ai rédigé ces lignes, ce samedi 8

Dans la matinée, Georges nous a dit "il faut se reposer aujourd'hui". En effet, au vu des conditions calmes, et alors que nos modèles météo prévoyaient un renforcement du vent pour la fin de journée et la nuit suivante, il fallait se mettre dans les meilleures conditions physiques pour, si nécessaire, faire les manœuvres de voile nécessaire même en pleine nuit pour optimiser notre allure. Samedi mi-journée, notre avance avait totalement fondu, nous étions simplement dans les temps calculés pour une arrivée mardi en fin de journée à Richards Bay… La course contre la montre continuait un peu, car si nous n'arrivions pas à destination avant le coup de vent de la nuit de mardi à mercredi, il faudrait peut être se replier sur Maputo (Mozambique), un peu plus au nord, hypothèse que nous avions envisagée…

L'après-midi fut bien tranquille avec une impression de vent qui reprenait légèrement mais nous ne pouvions avancer sans moteur, qui nous permettait de tenir une allure correcte (autour de 7-8 nœuds), la mer était encore belle et dans ces conditions, la traversée était bien agréable. On s'est bien reposé comme prévu pour la nuit, et le vent ayant forci comme prévu, on a pu enfin couper le moteur à 18h30. Après dîner, mon quart de soirée fut assez agréable avec une mer qui restait peu agitée et un bateau qui filait bien avec ses voiles autour de 10 nœuds. Pas un bateau en vue sur le radar…
 





Coucher de soleil du samedi 8, sous le gennaker