Mardi 23 mai 2017
Comme il était prévu, beaucoup de vent sur Horta pendant la nuit, des rafales à
60 nœuds, et des trombes d'eau. Heureusement la bouée sur laquelle on s'est
accrochés après notre fameux dérapage tient le coup.
En fin de matinée ça se calme, il y a même un peu de soleil. On en profite pour
filer à terre prendre une météo. Après étude des fichiers le capitaine décide
de reprendre la route le soir même, pour essayer de profiter d'un peu de vent
avant la pétole annoncée.
On se prend un dernier verre chez Peter café sport, puis on largue les amarres
vers 18h.
Il y a
une bonne petite houle, et mon mal de mer revient en force... Impossible
d'avaler quoi que ce soit, je pars me coucher tôt. Thomas qui est plutôt en
forme prendra cette fois le premier quart.
Heureusement dès le lendemain matin ça va mieux, et si l'estomac reste un peu
noué j'arrive à tenir tout le repas à table. Un beau progrès.
Le vent annoncé nous fait faux bond, on avance pas bien vite, et on finit par démarrer un moteur.
La
deuxième nuit je reprends mon quart habituel, le matin ne me réussit pas. Au
bout d'un moment j’entends des bruits d'eau suspects. Je décide d'aller jeter
un œil même si comme d'habitude c'est sûrement juste des vaguelettes. Sauf que
pour une fois non : il y a bien des dauphins ! La nuit est très
noire, je ne distingue pas grand chose, mais ils ont l'air d’être 5 ou 6. Leurs
sillages sont bien visibles car sur leur passage le plancton dérangé émet une
très faible lumière. J'ai l'impression d'observer des créatures magiques,
semant des traînées d’étoiles. Dans l'eau très sombre, c'est du plus bel
effet ! Ils nous accompagnent pendant une bonne heure.
Malheureusement ce sera la seule rencontre animale de ce dernier tiers d'Atlantique.
Même les poissons ne daignent effleurer nos lignes de pêche. Limite vexant.
La routine revient.
Sieste !
Pendant
un jour et demi, il y a du bon vent, on coupe un peu les moteurs et on avance
vite : le bonheur. Ça ne dure malheureusement pas.
Les prévisions météo s’avèrent peu fiables au delà de 24h sur cette portion
d’océan, et c'est bien irritant. On se retrouve plusieurs fois avec moins de
vent que prévu, donc au moteur.
Il n'y a donc pas grand chose à raconter, à part de la pétole, le ronflement
pénible des machines, et rien à l'horizon.
Dernier coucher de
soleil Atlantique
Les
jours passent, et enfin on approche de Gibraltar. Toute l'approche va se faire
pendant la nuit, et on y entrera au lever du jour.
Le
trafic maritime s'intensifie sérieusement, et alors que je commence à peine mon
quart je repère deux cargos sur l'AIS, potentiellement sur une route de
collision.
( AIS pour ceux qui n'ont pas suivi : Automatic Identification System, un
système de surveillance maritime qui donne les infos et trajectoires relatives
aux bateaux qui en sont équipés. Nous avons juste le récepteur, et pas d’émetteur ;
c'est à dire qu'on voit très bien les bateaux de commerce, pour qui c'est
obligatoire, et beaucoup de plaisanciers équipés, mais eux ne nous voient pas
sur leur écran.)
Je
reste les yeux rivés sur le système, et voyant qu'ils ne se détournent pas, je
panique un peu et réveille le capitaine.
On appelle le premier à la VHF, mais au bout de 4 appels pas de réponse. Ça
commence à être un peu chaud. Et là on s'aperçoit que le volume était au
minimum. GENIAL. On a bien du passer pour des idiots. Évidemment une fois en
mesure d'entendre les réponses le problème se règle bien vite, pareil pour le
bateau suivant.
Dans
la nuit, on les voit très bien, et on a surtout l'impression qu'ils sont plus
proches qu'en réalité. Se faire frôler par un pétrolier de 300m c'est quelque
chose.
Papa retourne se coucher. Le nombre de bateau à l'écran grandit de minutes en
minutes, pas le temps de s'ennuyer. Jusqu'à la fin de mon quart il faudra
encore que j'en appelle deux, qui nous fonçaient tranquillement dessus.
Voilà à quoi ça ressemblait au meilleur moment :
Je me réveille après une
courte nuit et file voir dehors où nous en sommes : on est en plein
détroit de Gibraltar!
à gauche l'Espagne, à
droite le Maroc
Les conditions sont très bonnes, la marée, donc le courant, est avec nous, il y
a un peu de vent, et juste un petit clapot ! On est à 10 nœuds sans
forcer. Le paysage est impressionnant.
le Maroc
LE Rocher
Très
vite, on voit passer de nombreuses bandes de dauphins, les premiers depuis une
semaine. Ils partent chasser leur petit déj, et certains font de sacrées
acrobaties aériennes ! La mer a beau être assez calme, ça bouillonne quand
même un peu, et on imagine sans peine à quel point l'endroit peut être
dangereux. C'est d'autant plus grisant d'y passer sans souci.
Une
fois sortis du détroit, le vent tombe, la mer se transforme en miroir. On est
obligés de repasser au moteur, mais on est vite consolés par toute une troupe
de dauphins bien décidée à s'amuser avec Bluenote. Ceux là restent une bonne demi-heure !
On en croisera beaucoup d'autres cet après-midi-là, ne faisant que passer,
parfois se détournant pour slalomer quelques minutes entre les étraves. Un
moment c'est même une petite famille, avec un bébé et un ado, qui nous
accompagne ! On verra également une famille de globicéphales, magnifique,
croisant nonchalamment à une cinquantaine de mètres du bateau. On peut dire que
la méditerranée nous aura bien accueillis !
Le lendemain par contre, fini la rigolade. On passe le Cabo de Gata, 25noeuds
de vent en plein dans le pif, un fort courant contre nous et une mer assez
agitée. On a beau tirer des bords et envoyer les moteurs, on descend parfois en
dessous des 3 nœuds... Je passe la journée à somnoler pour essayer d'oublier
mon mal de mer (eh oui, je me déshabitue drôlement vite... Faut dire que cela
faisait bien 5 jours qu'on avait pas eu de vraies vagues).
On passe donc ce cap bien pénible dans la douleur, et très lentement.
Le
lendemain on s’arrête brièvement à Torrevieja pour refaire un peu de gasoil.
L'occasion pour Thomas et moi de faire nos premières manœuvres d'amarrage et de
départ de quai, pas évident mais ça se passe bien (faut dire que le capitaine
gère grave) ! Le pompiste nous conseille de mouiller sur la petite île de
Tabarca un poil plus au nord. Le port ne nous inspirant rien, on suit son
conseil.
Tabarca est franchement minuscule mais plutôt sympathique. Une fois les hordes
de touristes remportés par les navettes, l’île est livrée aux quelques
habitants, mais surtout aux goélands et aux chats.
Thomas contemplant la
baie
On
fait le tour au coucher du soleil, c'est fort beau et paisible, et on dort sans
quart et dans le calme pour la première fois depuis les Açores !
Au
réveil on repart, et on continue à longer la cote espagnole, assez
impressionnante à cet endroit, avec ces villes faites d'immenses immeubles plantés
au milieu de falaises rappelant un peu l'ouest américain.
Le
soir on se trouve de nouveau une belle petite crique, au nord de Benidorm :
Au
matin on déguerpit direction Ibiza. On pensait arriver à la tombée de la nuit,
mais pour une fois le vent nous aide un peu et on arrive dans la baie de
Talamanca vers 19h, parfait pour l’apéro !
Sur le
chemin, toujours zéro poisson, mais tout de même une belle pèche : un
monocoque qui a croisé un peu trop proche derrière nous. On a eu bien de la
chance que la ligne se coince juste dans leur quille, et se libère sans
dommage, au lieu d'aller s'entortiller dans le moteur, ouf ! Par contre
bonjour la déception quand on a réalisé que non ce n'était pas un poisson ...
La baie de Talamanca n'est pas spécialement jolie, surtout qu'il y a pas mal de
houle qui rentre, et qu'il ne fait pas très beau.
On a pour voisins un groupe de polonais sur un cata Léopard,
TRES fêtards, au grand dam du capitaine qui ne pourra s’empêcher d'aller leur
dire deux mots (sans effet) le lendemain matin, après avoir balancé deux coups
de corne de brume bien sonores et matinaux (un peu mesquin si vous voulez mon
avis).
C'est le dernier jour de Thomas à bord de Bluenote, en
effet il lui reste pas mal de chose à organiser pour partir en stage la semaine
suivante, et notre date d'arrivée est trop incertaine pour qu'il termine sereinement
la route avec nous.
Après un petit tour à terre et un bon resto , Thomas part explorer la vieille
ville, et papa s'attelle à la 3eme réparation de la pompe à eau, qui fuit
depuis plusieurs jours. On a failli ne pas récupérer notre équipier, tout
déboussolé après avoir croisé tant de belles plantes en maillot de bain !
Un dernier apéro tous les 3, un dernier yam's, et on redépose Thomas à terre
pour qu'il aille prendre le ferry vers Barcelone (entre lui et maman, j'ai
l'impression que tout le monde se donne le mot pour prendre des ferrys et
arriver avant nous hem hem, les tricheurs)
bye bye
Thomas
[à propos du yam's, voici les résultats définitifs
du grand tournois transatlantique (2 participants) :
Sur 67 parties
score final :
Thomas 13 300
Marthe 13 374
Un score très serré donc, mais on n'aura jamais réussi à dépasser les 300
points sur une partie]
Dans la nuit, gros coup de vent, et des trombes d'eau
(au moins ça nettoie Bluenote), plusieurs bateaux dérapent (pas nous pour une
fois) dont les polonais, que ça a du faire dessaouler fissa. Le capitaine
ricane.
Du coup au matin la mer est d'huile et il y a un petit
vent parfait pour nous accompagner, alors on se met en route vers Majorque, 12
nœuds au près sans forcer, sans vagues c'est tout de suite plus simple !
Il y aura du vent favorable pendant la nuit, alors on l'attend patiemment dans
une crique à l'ouest de l’île.
Coucher
de soleil sur Majorque
S'ensuit notre première nuit de quart à deux, où tout
se passe très bien, même si le vent annoncé n'est (une fois de plus) pas au
rendez vous … C'est le grand retour du moteur... On passera 24h à Majorque avant d'attaquer
notre toute dernière étape, direction Sète !
le Cap Creus, frontière entre l'Espagne et la France
De nouveau une belle houle au départ, j’évite le mal
de mer de justesse, heureusement ça se calme dans l’après midi. Après-midi
funeste, car après avoir appelé les poissons de nos vœux, une des lignes (la
très solide, avec le GROS fil, bien cher) se déclenche. On réagit vite mais
dans les 5s qu'il nous aura fallu pour l'atteindre CLAC, plus de fil, tout est
parti … MERCI le poisson, franchement sympa... Autant dire tout de suite qu'on
ne pêchera rien non plus le lendemain. Bilan de la pêche en Méditerranée :
rien, nul, zéro. La mer tente de nous consoler en nous envoyant un poisson lune
(mon premier) et au loin ce qui semble être de gros dauphins (ou de petites
baleines) suivant un bateau de pêcheur, c'est pas grand chose mais on prend
quand même.
On avait prévu d'arriver à Sète tard dans la nuit,
mais Bluenote semble bien pressé et accélère (au point qu'on coupe les moteurs,
incroyable). Et c'est à la tombée du jour qu'on mouille pratiquement en bas de
la maison, heureux, fiers et un peu fatigués (et toujours énervés contre ces
ingrats de poissons) !
Sète en
vue !
Arrivée le 8 juin 2017 à 22h.
Voila, on l'a fait !