Voyez,
au reste, il y a de quoi se ronger le cervelas : les bateaux, ils ont
toute la mer pour leur pomme, ils voilent où ils veulent dans l'immense saumure
bleue, et pourtant, beaucoup s'échinent à buter sur un caillou. Avec plus ou
moins de vigueur, certes.
C'est
pourquoi nous avons atterri aux Açores.
Teddy lui
aussi heureux (de l’approvisionnement aux Açores !)
Une
équipière a déjà dû vous dire où notre esquif avait pris du repos. Je
récapitule à grand train : Faial, Horta, mouillage auprès du port de
pêche. L'endroit me convient moult, c'est ni trop coincé, ni trop lointain. On
est au cœur de l'action tout en gênant le moins du monde.
Quoique :
pas plus tard que tout à l'heure, l'ancre de Bluenote a ripé salement sur les
fonds de pierre, de sable et de dégueulasseries portuaires. Tant et si bien
qu'il a failli se tirer par l'arrière, le bougre...la faute aux rafales (NDT : 60 nœuds quand même !) qui
cinglaient par le sud, ça, il y a des chances. Cela dit, le Bluenote tout seul
et à la reculade, il maîtrise pas son cap comme un chef : alors il a tapé
le franc-bord ou je ne sais guère autre partie d'un gros bicoque qui trempait
itou dans le port. Mais les Grands Mânes, itou, et le reste de la bureaucratie
divine, ils ont voulu que des gusses trouillassent sur l'autre barque, l’œil
vaguement aux aguets. Eh bien ces gusses-là, ils ont arraisonné le fuyard en
l'amarrant à couple, tandis que nous, pour sûr, nous, tournions en rond sur
l'île tels des zoulous garnis d’œillères, les mirettes ailleurs que pointées
sur le navire.
Minute,
pimprenelle...l'île qui revient, quelle aubaine : je m'en vais vous la
raconter comme je m'en souviens maintenant. Il en va de la moelle de ce billet,
tout de même.
La
bourgade d'Horta frange Faial au sudet, un peu comme un ongle d'orteil ou
l'écaille d'un vieux sabot, au choix.
Quand
nous sommes sortis du roupillon au matin du vendredi, cinquième jour, nous
vîmes fastoche que cela était bon : après le bosquet de mâts, il se
trouvait encore de la verdure, en touffes et en pointes, avec des prairies
grassouillettes aussi. Secondant ces plages herbeuses et boiseuses, des maisons
se pressaient sur le quai, soulevées par la pente que je mentionne aussitôt, car
Faial, c'est avant tout un cône volcanique bouffi qui ne dort que d'un œil, à
l'opposé du capitaine, quoi. Le capitaine, lui, il pionce dès qu'il pionce, si
vous sentez la nuance...
Pour
ce qui tient du coloris à Horta, pas de chichis : je l'estime beaucoup.
Dominent le rouge brique pour les toits en tuile, le blanc d’œuf pour les
enduits muraux et le vert buisson des menuiseries, au cas où certains
oublieraient la provenance des matériaux. Remarquez, ce que j'avance ne colle
pas aux enduits. Ils sortent pas des œufs. Peu me chaut.
Et
j'omets pas de vous causer de la pierre à volcan, avec son noir de suie, qui
n'a rien d'une couleur m'a dit un jour quelqu'un, mais allez savoir qui
donc...quoi qu'il en soit, cette bigarrure paysagère donnerait, dans n'importe
quel esprit sain, une suave impression d'Italie : méfiance, méfiance,
puisque l'entour d'Horta conjugue la crème du Pays Basque et de l'Auvergne
clermontoise. Sacrée recette, et le pire, c'est que ça se becte ! J'en
veux pour preuve les restals assaillis par notre équipe et d'autres
Franchouilles avertis : ils dégueulent de boustifaille du cru, laquelle
fleure bon la poule, les herbes et la terre cuite. Un compère digne de crédit
m'a même confié qu'on y croquait en sus du poulpe noirci au picrate :
sapristi.
Pendant
que le volcan faisait son siestou, nous avons donc choisi, tel qu'effleuré plus
haut, de circumnaviguer en bagnole le long de son encolure. En Opel Corsa, s'il
vous plaît. C'est depuis Horta que fût entamé le tournicotis-tournicotons de
Faial. Ah, que la campagne est douce, je vous le jure ! Le rocher
ressemble à une vaste exploitation laitière pas très plate. Il y a, selon mes
indicateurs, un nombre équivalent de vaches et d'îliens autochtones. C'est à se
demander, je précise en tout bien tout honneur, qui se transforme en quoi par
lune pleine. Toutefois, l'avenir incertain des Faialenses, à poils ras ou
rêches, ne dessert en rien la beauté moite de ce coin des Açores. Des
appellations locales suivent : Ponta dos Capelinhos, Praia do Norte,
Varadouro, Morro de Castelo Branco, l'impressionnant Jardim Botânico et la non
moins sidérante caldeira sous brumisateur continuel. Là, je picore des mots qui
font bon genre sur un pliant touristique, mais gare, l'engin de location nous y
a conduits comme il convient, par monts et par veaux d'élevage.
Phare de la
Ponta dos Capelinhos
Panoramique
de la Ponta dos Capelinhos
Morro de
Castelo Branco 1
Morro de
Castelo Branco 2
Des
paysages traversés
Caldeira et
brouillard
Pour
boucler nos activités de la semaine, je développe ci-dessous en trois temps.
Primo, il s'agit de l'apposition de notre emblème sur la paroi du quai, ainsi
que le veut la coutume plaisancière. Coutume dont s'accommodent le conseil
municipal et les guetteurs de la marina, car qui d'autre que le voileux
lustrerait le pavé de la sorte ?
Le quai aux
couleurs des valeureux marins
Diplomate
jusqu'aux bas des jupes, Bluenote a par conséquent fourni son empreinte illico
presto, aidé en cela par l'équipière
technicienne-dessinatrice-fille-du-capitaine...cette cumularde.
Secundo,
je saute pas le compteur, claquer la porte sans entrer au Peter Café Sport
paraît inconcevable, sinon suicidaire. Le rade et ses annexes, qui bouffent
l'air de rien tous les rez-de-chaussée d'un pâté de masures, tient tant de
l'institution que de l'obligation. On s'y raboule comme on file aux aisances.
D'ailleurs, on peut en outre s'y soulager.
Nous
avons planté nos coudes chez feu Peter, le fiston l'a relayé depuis son trépas,
quatre jours sur sept. Le troquet déborde de fanions, iceux pendus aux
murs : c'est tout charmant avec les boiseries voisines et les garçons de
café peints en bleu.
Au
dehors, un cachalot de guirlande vêtu, trônant sur le faîtage, annonce la
couleur de nuit.
Un
temps je me suis cru sur le Strip, bien que Vegas ne compte pas encore parmi
mes arrêts-biture. J'y remédierai une fois billionaire. À noter que pour la
boisson, on descend au Peter Café Sport de la binouze portugalloise, Super Bock
et Sagres en tête. Les tenanciers d'Horta souhaitent en plus refourguer du gin
aux voyageurs en goguette, mais personne n'y touche : malefoi, peut-être
que je surinterprête les faits.
Triso,
que j'énumère enfin, des saltimbanques étaient de la fête sur la marina.
Festina Lente, se nommait leur agrégation. Ils sont venus pareils à des
pèlerins flottants, avec leurs bâtiments acquis pour un sou et bourrés
d'avaries. Horta les a accueillis en citoyens d'honneur, leur remettant la clef
des baraquettes en bord de quai. À l'aide de poteaux trouvés dans les parages,
ils ont assuré trois soirées de pestacle cabaretier, et ce tambour battant.
J'ai trouvé ça frais et bienvenu, point final. Et puis, ils distribuaient des
babioles, du manger et du boire contre de quoi poursuivre leur chemin, alors
j'ai cédé un brin de ma bourse. Ça fera toujours des cadeaux pour les
collègues.
Festina
lente 1 (volcan de Pico en fond)
Bon,
à ce stade de l'analyse, j'ai plutôt la mémoire qui gîte, alors je cesse là
tout propos sans à-propos. Ensuite, il nous faut tailler la route, et
fissa : Grande Mémère et ses poissons plombent au soleil ; ils nous
réclameraient presque. À tantôt, les Açores, que les vachers te gardent !
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