Voilà
où se trouve actuellement Bluenote : Cocos Keeling Islands
Plus
précisément, là où se trouve le point orange :
Mais
avant d’arriver là, Jean-Pierre a dû affronter sa 3ème nuit de quart !
" Troisième quart de nuit : Christmas, c'est pas noël
Vendredi 19 août – 3h15. Vent apparent 15 à 20 nœuds, vitesse de Bluenote entre 7 et 8
nœuds, deux ris pris dans la grand-voile car 25 nœuds de vent sont annoncés en
fin de nuit par les modèles météos chargés le jour de notre départ de Benoa
Harbour.
Et les modèles semblent se
confirmer. Le ciel est obscur, il tombe quelques gouttes dans le vent chaud. A
loin, des masses sombres sur l’horizon confirment cette tendance au temps
perturbé.
Il y a trois heures
maintenant que nous avons quitté les parages de Christmas, ce bout de terre australien
à mi-chemin entre sa voisine et compatriote Coco-Keeling et Bali d’où nous
venons.
De Christmas je n’aurai vu qu’une masse sombre à tribord dominée par une lumière rouge. L’océan roulait sur les hauts fonds qui environnent l’île, secouant vigoureusement le catamaran.
De Christmas je n’aurai vu qu’une masse sombre à tribord dominée par une lumière rouge. L’océan roulait sur les hauts fonds qui environnent l’île, secouant vigoureusement le catamaran.
Tout au long de la journée
d’hier, c’est sur un véritable désert que nous avons navigué. Plus rien depuis
les rencontres de la nuit précédente. Aucun pêcheur indonésien ne s’aventure
dans ces eaux lointaines, si proches d’une zone économique étrangère.
Car les australiens veillent
jalousement sur ce territoire marin du bout du monde. En fin de matinée nous
avons été appelés sur la veille VHF par l’opérateur d’un avion des coast-guards.
Si nous ne voyions pas l’appareil, lui nous avait repérés. Probablement de très
haut dans le ciel. Il savait que nous étions un « sailing vessel », un voilier.
Il nous a demandé le nom du bateau, son pavillon, notre port de provenance,
celui de destination. Un interrogatoire en règle un peu surréaliste, comme venu
de nulle part.
L’approche d’une terre
habitée, marquant la moitié de notre route vers Coco, la perspective de pouvoir
« accrocher » un réseau de téléphonie, fait naître un peu d’impatience. Il n’y
aura pas d’autre occasion de pouvoir communiquer avec nos proches en
navigation. Eux en sont réduits à suivre notre route sur traceur AIS privé. En
attendant, nous tuons le temps plongé dans nos liseuses ou en jouant aux
cartes, à un jeu de stratégie baptisé « pinacola » que Captain Georgio a
rapporté de ses multiples pérégrinations océanes.
Je tue le temps aussi en me
chargeant de la cambuse, ce qui n’étonnera pas ceux qui me connaissent :
omelette, pommes de terre rissolées et lardons dans son confit d’oignons à
midi, rôti de porc aux carottes parfumées au cumin le soir.
Voilà tout ce qui nous
occupe. Car les manœuvres sont rares à bord de Bluenote. Elles se résument à
établir la grand-voile et lancer le gennaker le matin, à ramener cette voile
d’avant et à prendre un ou deux ris le soir après le coucher du soleil. Et
encore hier, avec le fort vent de sud-est, nous sommes nous contentés de
naviguer avec deux ris. Malgré cette réduction de toile, le bateau a poursuivi
sur le même train que les jours précédents : près de dix nœuds de moyenne en
vitesse réelle.
Il faut voir Bluenote
chevaucher la puissante houle, cabrer ses étraves en crête de vague, plonger
ensuite pour se cabrer à nouveau, paraître hésiter sur la direction à suivre,
partir au lof pour revenir, entêté, sur sa trajectoire. Une belle navigation
sur un bateau racé qui malgré la rudesse de l’océan, nous assure des conditions
de vie plus qu’acceptables.
A minuit quinze, j’ai émergé
d’un mauvais sommeil dans les draps tourmentés de ma couchette. Un sommeil
agité, au sens littéral du terme. L’alarme de mon subconscient, sans doute. Je
savais que nous serions au plus près de Christmas à cette heure-là.
Fiévreusement j’allume mon mobile et lance la recherche des opérateurs. Trois
barrettes : je tente un appel vers la France. Sonnerie au bout de la ligne, à
six mille kilomètres. Edith décroche. Curieuse sensation de l’imaginer assise
au salon, occupée à prendre le thé avec une amie, alors que je suis ici, dans
ce carré seulement éclairé par les instruments de bord, à quelques milles d’une
île du bout du monde plongée dans les ténèbres. Nous échangeons quelques
informations sur nos quotidiens respectifs. Le ton enjoué de sa voix me
rassure. Nous raccrochons. Je redescends dans ma couchette pour tenter de
récupérer du sommeil avant le quart.
(...) 5h10. Le vent n’a pas
encore forci. Bluenote trace sa route toujours à dix nœuds de moyenne. La Lune
vient de refaire son apparition après un grain. Je grimpe sur la petite
plateforme à côté de la barre où, face aux éléments, accroché à la poignée du
roof, j’ai l’impression de faire corps avec le bateau et, comme lui, de
chevaucher l’océan, à l’assaut de sa houle d’acier. "
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