Beaucoup de problèmes d'Internet sur Sainte-Hélène, j'espère que les articles de Lionel et moi vont bien être publiés sur le blog de Bluenote.
L'équipage de Bluenote vous salue. En attendant nos prochaines impressions...
Rédigés en mer:
Du voyage annoncé
Après la traversée de
l’Indien et l’arrivée sur l’Afrique du Sud en franchissant le cap des Aiguilles
puis de Bonne Espérance (dans les rudes conditions relatées par les 2
Publishers actuels, Lionel et Alexandra), Bluenote s’attaque à sa 2ème
grande traversée, celle de l’Atlantique Sud.
Une seule escale sur notre
route : Sainte-Hélène, petite île de funeste mémoire pour les corses. A
découvrir, le plaisir du marin à venir, la terre aperçue et l’escale qui se
profile après une dizaine de jours de navigation.
La traversée suivante partira
de cette île minuscule au milieu de l’Atlantique Sud pour atterrir au Nord Est
du brésil, à Joa Pessoa, à la marina de Jacaré de notre ami Francis.
Du départ d’une transat Sud
Le départ, une 1ère
fois retardé de 24h pour cause de météo, faillit ne pas avoir lieu au matin du
samedi 7 janvier du fait de notre nouvel ami, le lion de mer.
Vautré sur les cordages nous
arrimant au ponton depuis la veille au soir, il grognait dès que nous
l’approchions. Ouvrait un œil las pour nous signaler qu’il surveillait son périmètre de sécurité malgré
l’état de somnolence prolongée qu’il nous offrait depuis la veille. Des vents
de plus de 60 nœuds dévalant de la Table Mountain nous avait bloqués, c’était
sage de notre part mais face au lion de mer il nous fallait faire preuve de
courage. Notre capitaine dépité par notre couardise descendit sur le ponton et
bravant l’énorme masse de la bête, pas encore rassasiée de sommeil après,
pourtant, une nuit entière sans bouger sur notre ponton, l’en chassa avec force
cris et gestes. L’animal manifesta sa colère et son mépris de l’importun en
dressant son corps (comme pour y faire tourner un ballon sur son nez… beau dommage, elle n’en avait point) et
mit en mouvement vers l’eau sa masse qui y glissa sans une éclaboussure sous
les vivats de l’équipage conquis par le courage de son capitaine, donc confiant
pour la suite.
Du diable ou de la météo à Cape Town
Cape Town c’est la Table
Mountain. Une table. Immense. Aux flancs raides. Avec une particularité que
nous avons éprouvée à plusieurs reprises et décrite comme suit par Michener
dans L’Alliance (saga qui relate l’histoire de l’Afrique du Sud) :
" A de fréquents
intervalles, par des journées sans nuages où le plateau du sommet était clair,
un vent soudain, soufflant vers le Nord depuis l’Antarctique, soulevait une
masse de brouillard très dense et l’on pouvait voir de ses yeux cette brume se
répandre comme un écran dissimulant la Table Mountain. "Le diable étale sa nappe" disaient
alors les marins, car le haut de la montagne était caché, avec les bords du "tissu"
retombant sur les côtés. "
Le jour de notre arrivée à
Cape Town après l’éprouvant ( !) passage du Cape of Good Hope, la table
était dégagée. Majestueuse. Protectrice. Ecrin où se niche la ville du Cap. Les
2 jours suivants, nous l’avons vue se couvrir et le vent en dévalait à plus de
60 nœuds. La température en très peu de temps passa de clémente à frisquette sous
l’effet d’un vent glacial que Bluenote distribuait dans nos cabines par son système
de ventilation intérieure. Résultat = 17°. Ce qui fut peu apprécié des
équipiers.
De l’approvisionnement pour une traversée
On établit des listes après
avoir fait un état des stocks, on écrit des menus pour une semaine, on en
extrait les quantités à acheter par de savants calculs et on part, en bandes,
dans les Malls repérés comme bien achalandés. Et on démarre, chacun à la barre
d’un caddie, listes en mains, nos achats. Qui deviennent vite et de façon
anarchique, car fatigue et faim surviennent, achats compulsifs de gâteaux secs
pour l’un, pots de moutarde supplémentaire pour l’autre, quand le 3ème
avise soudain un rayon entier de barres de céréales qui pourraient être utiles,
l’angoisse de la traversée l’étreignant soudain, il faut alors le rassurer mais
l’angoisse étant contagieuse, qui osera affirmer qu’on ne manquera de
rien…personne, et pendant ce temps le 4ème baguenaude en mettant
dans son caddie des denrées nullement répertoriées par l’équipage et en
quantité insuffisante pour une traversée d’au moins… 10 jours puisqu’à
Ste-Hélène, il y aura surement une épicerie ou deux !
NDR : Toute ressemblance entre les substances
relatées et les goûts des membres de l’équipage est fortuite.
Les appros et les anxiétés
alimentaires de ses équipiers, ça fatigue le capitaine !!
Après cet épisode épique de
l’appro, il faut le monter à bord ce qui signifie mettre des caisses de bouffe et
boissons dans l’annexe qui va parcourir quelques centaines de mètres dans une mer démontée par
des vents soufflant à plus de 45 nœuds : le tout arrive trempé d’eau de
mer (ohhh noooooooon) et il faut le caser dans les coffres du bord. Et garder
en mémoire la place de chaque denrée….
D’un autre type d’appro !
Matin du 2ème
jour : A l’aube de ce chahut maritime, nul sentiment océanique mais la
pêche du jour ! Dans le trempoline et au pied de mât, un poisson volant et
un couple maman-bébé calamar. Dont l’encre expulsée dans un ultime sursaut de
défense devant l’inéluctable créa une composition
abstraite intéressante :
Composition… à l’encre !
De la pêche ou comment survit l’équipage
Exemple extrait de mon
journal de bord du 12 janvier : Pendant que je préparais notre déjeuner,
confiant à Lionel le rôle quasi honorifique de couper, pour l’apéro, LA
saucisse corse (= saucisson pour les pinzuti) apportée de Corse pour notre
traversée, un des 2 moulinets de nos cannes à pêche installées dès notre réveil
s’est déclenché. Vif espoir d’un repas avec du poisson frais pêché. Très vite
l’espèce du poisson nous fut révélée : une dorade coryphène. L’excitation
monte, Georges et Alain sont à poste pour fatiguer tout en la remontant la
bête. Lionel et moi hésitons à préparer le croc, la planche et le couteau à
découper, par superstition. Et soudain, Georges me crie : " l’appareil photo " ! wouahhhh ! Ça signifie qu’il est certain
de la remonter celle-là !
Après avoir pris quelques clichés
de la prise, Lionel et moi rentrons en cuisine : saladier, jaune d’œuf, du
sel de céleri et le jus de plusieurs citrons verts, tout est prêt pour
accueillir -et y cuire- les filets de dorade prélevés par Georges sur la jupe
(du bateau, pas la mienne) une fois que je les ai découpés en petits cubes. Le
tout a pris à peine 20mn. Notre apéro fut encore meilleur que les
précédents car accompagnés
des effluves gustatifs de la saucisse corse et du futur tartare de dorade
qu’une petite demi-heure dans sa marinade suffira à cuire à point.
De l’activité à bord
Les manœuvres. Beaucoup,
parfois. Ainsi pendant cette traversée, le matin le spi est installé. Le vent
qui souffle de l’arrière sans être constant oblige à faire plusieurs empannages
(=changement de bord) de la grand-voile, parfois même du spi. Une survente
prolongée et le spi doit être affalé. Il le sera dans tous les cas pour la nuit
où le capitaine, pour le confort de son équipage, réduit la toile.
La lecture
La confection de " Mappâts " pour la pêche (avec un doigt de gant Mappa !)
De l’eau de mer
OUI, on vit au milieu de la
mer, avec la mer, grâce à la mer et pour la mer, mais NON, l’eau de mer, à
bord, n’est pas notre amie. Quand elle s’insinue, s’infiltre, se faufile, se
répand, se dépose, s’embarque à l’intérieur du bateau, elle en est indélogeable.
On croit que ça sèche mais dès que l’hygrométrie monte, elle suinte des
coussins, des draps, des serviettes, de tout ce qui en aura été imprégné…..
malgré les mises en garde du capitaine.
De l’absence..
Parfois l’absence de ceux
qu’on aime étreint l’âme. Aujourd’hui 13 janvier c’est l’anniversaire de ma
Bobinette, ma mère : 94 ans et je ne pourrai pas l’embrasser, lui redire
que je l’aime. Alors je le lui écrirai de Sainte-Hélène.
Du souvenir… ou pas
Sur Bluenote je retrouve des
automatismes acquis pendant nos 7 années sur Matiti. Mais je n’avais jamais
navigué plus de 3 ou 4 jours d’affilée. Et toujours en famille, avec mon
Georgio, notre fille Marthe... et Vela ! NDR : notre chienne !
Cette traversée constitue donc une grande première.
Cette traversée constitue donc une grande première.
De façon lapidaire, je peux
dire que ça me plaît.
Bien sûr, car je savais que
je le penserai, je me suis très vite dit : Qu’est-ce que je suis venue
faire dans cette aventure et comment Georges supporte-t-il de vivre tout ça
depuis des mois ???
Il faut dire que les 2
premières journées ont été parcourues avec 35 à 40 nœuds de vent, on naviguait
entre 10 à 15 nœuds (240 MN en 24H le 1er jour, en réduisant
pourtant beaucoup la nuit. Pour ceux qui n’ont pas de connaissance sur le
sujet, c’est beaucoup 240 MN en 24h).
Donc ça me plaît. Pourtant :
Il y a juste de l’eau, de la mer, de l’océan. Agité, super agité, avec des
vents entre 25 et 35 nœuds, souvent 40. On se fait chahuter, bousculer, rincer,
secouer, balloter, bringuebaler d’un bout à l’autre du cockpit ou du carré, c’est
super inconfortable et assez pénible pour tout dire. Ace jour mon corps est
plus bleui que bronzé ! En plus
il fait froid, le cockpit comme tout le reste du bateau se fait sans cesse
recouvrir au minimum d’embruns sinon de baquets d’eau jetés violemment et
brutalement par … ?? suis-je déjà en train d’halluciner ? après
seulement quelques heures de navigation, c’est inquiétant que j’imagine une
entité à nos côtés qui nous balancerait des seaux d’eau de mer !
Nulle angoisse ne m’a étreint
quand après 5h de navigation, nous avons perdu tout repère visuel terrestre. Il
n’y avait que la mer et très, très peu d’animations en mer. A partir du 3ème
jour, le vent s’est calmé. Georges nous forme petit à petit aux manœuvres. Je
m’occupe avec plaisir de la cuisine. On joue, on rigole, on lit, on écrit, on
écoute de la musique, on mange, on boit, on lit, on rêve, on discute, on
ressent les éléments qui nous entourent, on inspire l’immensité et sa solitude,
c’est inédit.
Bilan : A l’aube du 9ème
jour je me sens comme devant une œuvre dont je pressens l’intérêt mais sans
pouvoir en dire plus, ni encore analyser cet intérêt et mes sensations, il me
manque le recul. « C’est intéressant ». En effet. C’est ce que je
pense. Mais j’en suis qu’à la phase de la contemplation. Comme devant une œuvre
inédite, j’observe.
J’ai appris à Marthe, depuis
son plus jeune âge, à dire pourquoi elle aimait ou n’aimait pas une chose, que
ce soit un livre, un film, une personne, une situation. Pour dépasser ce seul
stade du j’aime ou j’aime pas. Devant
cette traversée de 9 jours, je me sens devant cette tâche : développer ma
sensation, la préciser, en percevoir les composantes.
Anyway, ce qu’exprime cette belle photo de Georges sera l’une de ces composantes :
De l’arrivée à Sainte-Hélène : Impressions à venir ?
" Un rocher lugubre
battu par les flots et les vents ".
La chambre noire de
Longwood : Impression de J-P Kauffmann, un journaliste.
" Une grosse bague en
bronze, rehaussée d’une émeraude, qui sort de la mer. " Impression de
Brigitte Murphy Couët, une âme d’artiste.
Stay tuned pour avoir la
nôtre !
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