Samedi 21
janvier (mort du roi) en tant que fan du général Bonaparte nous ne
portons pas de brassard noir, faut pas déconner quand même !
Nous sommes à nouveau au milieu de nulle part, il n'y a même plus
d'oiseaux nous sommes seuls seuls seuls et nous nous relayons toutes les nuits
pour constater tous les quarts d'heure cet état de fait : il n'y a vraiment
personne.
L'ambiance sur le bateau est calme et détendue, nous vivons sur
nos souvenirs de Sainte Hélène. Quelques petites inquiétudes malgré tout, la
faiblesse du vent et la pénurie de protéines qui nous guette. En effet, du fait
de l'absence de viande et de poisson à Sainte Hélène, le dernier de nos repas
se définit ainsi : entrée Patate, plat de résistance Patate... le Bosco remet
au goût du jour son ancien surnom de Miss Patatas ! Elle nous promet déjà la
réalisation d'une de ses recettes fétiches "pomme de terre fondante avec
son cœur de riz" mmmmmmh.
NDR :
NO COMMENT !!! sinon des exemples de menus à bord :
- saucisse corse apéro puis tartare de coryphène -un
vrai délice- et un tb plat de fusilli avec tomates pesto de Corse, poivrons
rouges et oignons + pâte d’ail.
- riz avec lentilles revenu à la poêle, accompagnant le
reste de curry de l’autre jour agrémenté d’haricots verts + pois chiches et
lait de coco + écrasé de gem squash acheté en Afrique du Sud sur le conseil de
Brigitte.
- et des
gâteaux dont celui à la farine de chataigne de Corse et des « pancakes »
corses avec cette farine
Que sont devenus nos rêves de ceviche, de tartare et de steak de thon
!!!!!
Tous les jours nos pêcheurs installent les cannes à pêche et tous
les soirs ils les rangent sans qu'aucune touche ne soit venue égayée la
journée...
En fait pour dire la "vérité vraie", nous sommes au bord
du désespoir, l'estomac gonflé par tous les féculents absorbés et le mousse
s'inquiète de plus en plus des petits conciliabules de l'équipage en manque de
protéines.
NDR :
« le sort tomba sur le plus jeune, ohé ohé » encore fringant comme en témoigne cette photo de lui à Jamestown :
Nous sombrons alors dans la superstition, le jour de la seule et
unique pêche de la traversée (la mémorable dorade coryphène), Alexandra avait
sacrifié un saucisson corse à nos appétits féroces, fallait-il renouveler
l'offrande... Chacun de nous pensait de toute manière qu'il n'y avait plus de
saucisson dans nos réserves.... faux, il en restait un dernier spécimen dans
les planques de la taulière !!!
oui... vous allez vous faire un torticolis pour admirer cette photo, mais elle est prise par l'iphone de Lionel et je ne peux la remettre verticale !
Donc repas de midi = cérémonie païenne : entrée saucisson
corse, plat de résistance ragoût de patates aux lentilles et aux flageolets (un
peu lourd je dois avouer) et moults incantations au dieu de la pêche. Et puis
l'attente, l'attente et bientôt à nouveau la résignation ... L'heure du dîner
approche, les visages se crispent, encore un de ces putains de dîner Vegan
!!!!!!
NDR :
cf précédente note sur le sujet des menus !!
Et puis alléluia, le saucisson corse est vraiment sacré, le
moulinet de la canne à pêche d'Alain se met à chanter et à se dévider à une
incroyable vitesse : c'est du lourd !
Les pécheurs se précipitent pour tenter de ramener la prise
directement dans nos assiettes, le combat est héroïque... nous ne voyons rien
sinon que cela tire fort au bout du fil, nous apercevons enfin un éclair
d'argent qui remonte des profondeurs, le capitaine tire sur la ligne et là,
miracle, un magnifique thon atterrit directement sur le bateau... le capitaine
le bloque sur le sol et réclame immédiatement la planche et le grand couteau
!!!!!
Nous, les assistants, Alexandra et moi, bien sûr nous n'avons rien
préparé à l'avance, pas parce que nous sommes des bons à rien mais parce que ça
porte malheur évidemment... c'est donc un peu la panique, nous courrons dans
tous les sens et le capitaine réclame à cor et à cri son matériel de mise à
mort, la bête n'a pas envie mais pas envie du tout de rester avec nous... contrairement à Lionel qui rêve d'évasion :
La bête, Madame Thon, est
incroyablement belle et dodue, bleue et argent impossible à décrire, une œuvre
d'art... le couteau est désormais dans les mains du capitaine qui
méticuleusement s'applique à détacher la tête de notre thon de son corps... le
combat est rapide, le pont du bateau se remplit de sang "écarlate" et
Alain, à la manœuvre depuis le début au moulinet, extrait de la gueule du
poisson désormais détachée de son corps l'énorme hameçon. La messe est dite, la
bête repose sans tête sur le pont de Bluenote, le capitaine présente la tête au
peuple (quelle symbolique en ce 21 janvier), tout s'est passé très vite et le
résultat est là devant nous : un magnifique thon qui va sans coup férir
être cuisiné à toutes les sauces.
Les pêcheurs passent directement à la phase dépeçage et nous les
assistants à la réalisation immédiate d'un ceviche de thon rouge. Il y a forcément une ambiance de sang, la chair
du poisson est rouge, le pont est rouge et Alain et le capitaine dégustent directement
des morceaux de chair avec leurs mains pleines de sang...
Le mousse vit plutôt bien ce moment d'euphorie sanguinaire, il se
rend bien compte qu'il est sur une scène de chasse, que l'instant est brutal et
sauvage... mais en réalité, son estomac vit beaucoup moins bien la situation et
l'en informe immédiatement.
En professionnel, le mousse s'écarte de la scène de crime et se
précipite en cuisine pour se concentrer sur la réalisation du ceviche. Rien de
tel qu'une bonne occupation pour faire passer un mal de ventre. Acte 1 pressage
des citrons verts sans problème, acte 2 épluchage des oignons rouges sans
problème, acte 3 découpage au couteau des filets de thon arrivés directement de
l'atelier dépeçage... Là encore, notre mousse est méthodique, il découpe, il ne
pense pas, il est au taquet... Un petit détail attire pourtant son attention,
il maintient de sa main gauche les énormes morceaux de chair et découpe
allègrement de sa droite. Et là, une
sensation de chaleur envahie sa main gauche, est-ce la réalité ou non mais
l'effet est immédiat, il réalise que la chair est encore chaude... le mal est
fait, son estomac recommence à exprimer son désarroi sous la forme d'un
enchaînement de micros spasmes.
Le ceviche prend forme, quelques questions se posent sur
l'assaisonnement, tout l'équipage est désormais autour de la préparation et
notre mousse est concentré concentré (sur son estomac bien sûr). Alexandra
demande alors au mousse de valider l'assaisonnement en goûtant le ceviche
!!!!!! C'est impossible, il n'est absolument pas en capacité de pouvoir manger
n'importe quel aliment, alors les morceaux de thon qu'il vient de découper,
vous imaginez !!!!
Patatrac, après tous les efforts consentis par notre mousse pour
se faire accepter tout est à refaire... il est à nouveau la risée de
l'équipage, une fillette qui s'évanouit à la vue du sang, une gonzesse (*) en quelque sorte. Ce soir, il
dormira dans l'armoire à ranger les pare battages à l'avant du bateau... tout
est à refaire.
Le mousse
PS. Après un longue phase de méditation de pleine conscience face
à l'océan, j'ai repris le contrôle de mon estomac, ceci m'a permis de picorer quelques
morceaux de ce fameux ceviche qui était vraiment vraiment excellent... demain
pavé de thon au déjeuner façon tourne
retourne, un jus de citron vert... le moral est bon malgré la faiblesse du
vent, je pense que le thon y est pour beaucoup merci à Alain et surtout à sa
nouvelle canne à pêche achetée dans une des multiples épiceries de Sainte
Hélènoise et désormais déjà amortie.
(*) La NDR s’insurge devant cette
désolante discrimination sexuelle. Et en note l’inadéquation à la situation
vécue, le cuistot étant une femme qui, elle, n’a pas été chavirée par ce festin
sauvage auquel elle a participé avec une joie barbare et qui a tenu sa place de
femme : à la cuisine, comme il se doit !!!
Quelle chance d'arriver au Brésil alors que nous, nous sommes sous la pluie et dans le froid à Sète. JP a la nostalgie de Blues Note. Il a affiché la carte marine de l'Indien dans le bureau. Bisous. Edith.
RépondreSupprimerQuelle chance d'arriver au Brésil alors que nous, nous sommes sous la pluie et dans le froid à Sète. JP a la nostalgie de Blues Note. Il a affiché la carte marine de l'Indien dans le bureau. Bisous. Edith.
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