Dimanche 9 Octobre
Au réveil peu
avant le lever du jour (j'étais bien réglé après quelques jours…), j'ai tout de
suite depuis ma couchette senti la sensation de vitesse, le bateau glissait sur
l'eau, pas de doute : les conditions espérées étaient bien là, le vent avait
bien forci. En sortant je vois que nous avons bien incurvé notre trajectoire
pour garder un bon angle au vent pendant la nuit, plongeant vers le sud, dans
une mer assez agitée.
La
trajectoire de Bluenote le 9 octobre, prise un peu plus tard dans l'après-midi
Bien
évidemment, cette trajectoire qui plongeait vers le sud ne nous faisait pas
vraiment faire une route directe, il fallait donc corriger ça et empanner.
Georges s'est réveillé de lui-même vers 6h et nous avons effectué la manœuvre
tous les trois de bon matin, pour redresser le cap. Le soleil commençait à
faire de timides apparitions, alors que, pour la première fois depuis un
moment, il n'y avait pas eu de lever de soleil visible avec la grisaille.
Manœuvre
de bon matin, à 6h
Une fois
l'empannage effectué, le bateau filait à belle allure, surfant sur les vagues
et atteignant souvent des pointes à 15-17 nœuds ! On sentait que c'était
vraiment fait pour ce genre de conditions : vent portant, environ 15-20 nœuds
apparent, le gennaker que nous avions laissé toute la nuit pour profiter du
vent donnait sa pleine mesure. La matinée fut assez grisante avec une moyenne
de 12-13 nœuds je dirais, avec ces pointes à 15-17, on glissait vraiment sur
l'eau, avec une belle sensation de vitesse, et un sentiment très sympathique de
rattraper le retard qui avait pu être pris plus tôt. Le vent s'est même un peu
emballé, et nous avons ainsi du retirer le gennaker vers 11h.
Le
gennaker est roulé
Juste après
cela, après avoir identifié les horaires de passage de satellites au dessus de
la zone, nous nous sommes connectés avec l'Iridium pour télécharger de précieux
fichiers de modèle météo (l'américain GFS) pour avoir des prévisions plus
actualisées. Il nous fallait notamment une bonne visibilité sur la fin de la
traversée, puisque nous commencions à en approcher avec : 1) un passage de
front pour la journée du lundi 10, puis 2) la menace du second front de la nuit
du mardi 11 au mercredi 12.
Après plusieurs
tentatives, nous avons enfin pu récupérer à l'heure du déjeuner le précieux
fichier, qui a précisé le scénario attendu : 1) nous devions croiser le front
avec une levée assez brutale du vent de sud à son passage (et certainement de la
mer associée…) la nuit suivante ou peut être dans la matinée de lundi. 2) entre
la nuit suivante et la journée de mardi, un vent de nord/nord-est se renforçant
sur la zone devait nous permettre de rentrer à Richards Bay, avant l'arrivée
d'un second front assez costaud, peut-être en cours de nuit de mardi à
mercredi.
Georges
et Paul font le point météo, analyse de l'évolution prévue et de la route envisagée
Ces informations
étaient plutôt rassurantes quant à la fin de notre traversée, dont nous avions
accompli à midi la moitié de distance. Les conditions s'annonçaient donc très
changeantes pour les dernières 48h, avec déjà un net affaiblissement du vent en
vue, qui n'a pas manqué de se produire.
En début
d'après-midi, comme prévu par les fichiers météo du départ, le vent a terriblement
molli, on a décidé de remettre le gennaker pour avoir un maximum de voile, mais
entre le début et la fin de la manœuvre, le vent et l'état de la mer sont
retombés de façon impressionnante, je ne pensais pas que ça pouvait se calmer
aussi rapidement !! Nous avons donc abandonné le gennaker aussi vite que nous
l'avions hissé à nouveau, retour au foc ! Et dès 14h30, le moteur ronronnait à
nouveau pour nous assurer un train suffisant autour de 7 nœuds.
Heureusement que nous avions bien avancé jusqu'au déjeuner ! Georges a profité
de cette nette accalmie pour faire preuve d'un autre de ses talents : il a
préparé du pain, car nous avions épuisé nos stocks malgaches.
C'est vraiment
un sacré changement d'ambiance à bord quand le moteur fonctionne, son ronronnement
régulier berce d'une façon plus régulière que la houle capricieuse du coin.
C'est rassurant de pouvoir compter dessus pour avancer dans des conditions
météo aussi défavorables, mais c'est aussi une négation, en quelque sorte, de
la nature même du voilier… En cours d'après-midi, nous avons croisé un cargo de
220m, baptisé Francesco Corredo je crois, à 2 milles environ, qui filait vers
Colombo (Sri Lanka), toutes ces informations étant fournies par le radar AIS.
Une journée
toute en contraste donc, qui s'est achevé bien tranquillement, alors que des
nuages se présentaient à l'horizon ouest, annonçant le front du lendemain. Au
coucher de soleil, invisible, une barre nuageuse traversait une large partie de
l'horizon et nous a concernés. Avec une accélération très temporaire du vent,
qui est retombé aussitôt après.
En soirée, la
situation était un peu décourageante car les deux moteurs tournaient, en
l'absence totale de vent, et probablement avec un peu de courant défavorable,
tous les éléments étaient contre nous, et nous avancions à peine à 6 nœuds… Il
nous restait 325 milles en direct jusqu'à l'arrivée, soit 54 heures de
navigation à cette allure, on consommait pas mal d'essence, ce qui nous mettait
dangereusement à portée du coup de vent de la nuit de mardi à mercredi, c'était
donc un peu la course contre la montre qui continuait avec cette avance
reperdue. Nous espérions un vent plus favorable, au moins pour la journée de
mardi, avec une importante incertitude météo pour lundi…
Les conditions
lors de mon quart de nuit furent incroyablement monotones avec une nuit
quasiment sans vent, mer calme, ambiance très humide dehors (tout était
mouillé, sans pluie), et les deux moteurs du bateau qui ne faisaient avancer
qu'à 5-6 nœuds…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire