lundi 16 janvier 2017

LIONEL - Traversée Cape Town-Ste Hélène -1 et 2



LIONEL - Traversée Cape Town-Ste Hélène -1

Dimanche 8 janvier : Une journée que nous sommes partis de Cape Town et comme annoncé la mer était très formée, nous avons donc été bien bien secoués... Je gère mon mal de mer comme je peux, peu de déplacement, repas frugal mais désormais j'ai l'antidote en cas de grosse crise et cela a tout changé pour moi. Cet antidote, c'est de rejoindre au plus vite ma tanière (ma chambre dite l'atelier) et de m’y tenir calmement en position allongée et là, la crise passe. De ce fait je peux envisager plus sereinement la suite de la traversée...

Ce jour du  8 janvier est pour moi un marqueur étant le jour de ma naissance. Nous avons cette fois une bonne raison pour trinquer et faisons donc courageusement face à nos responsabilités. Le soir au dîner, repas de fête, avec une excellente daurade coryphène pêchée par Captain Georgio. Un grand merci à mon équipage et à Alexandra en particulier pour la préparation de ce repas d'anniversaire que j'ai malgré tout été obligé de ponctuer par un petit passage par la case Atelier...
Drôle de sensation de fêter son anniversaire si loin de ma famille et vraiment au milieu de nulle part... car vraiment nous sommes seuls au monde, nous ne croisons aucun bateau, il n'y a plus de phoque, de baleine et de dauphin. La seule présence autour de nous est un oiseau qui nous suit depuis le Cap (pas sûr du tout que ce soit toujours le même mais cela me permet de maintenir un petit lien avec le monde) et quelques poissons volants qui m'impressionnent par leur qualité de vol...

La journée est encore bien secouée et je passe donc l'après-midi sur le pont arrière avec mon casque vissé sur les oreilles sans trop bouger. C'est également l'anniversaire de David Bowie, il profitait souvent de ce jour pour ME faire un cadeau (l'an dernier le magnifique album "Black Star" avec ce nouveau personnage de "Lazarus" qui nous ne le savions pas encore allait être le dernier) et là, rien le vide ...

Je profite alors de l'incroyable endroit où je me trouve pour m'offrir une très très longue écoute de sa discographie... "Ziggy", "Aladdin Sane", "the Thin White Duke"  ... et au passage du cultissime  "Heroes". Je scrute encore plus attentivement l'océan qui s'agite devant mes yeux, dans l'espoir fou de voir un dauphin venir participer à ma petite cérémonie païenne, me saluer, me faire un signe ... allez bye David et thanks for all and wish you could swim like a dolphin now...

Voici ma situation en ce troisième jour de navigation, le mal de mer semble s'éloigner et je passe beaucoup de mon temps à admirer l'océan à essayer de faire un avec lui... et honnêtement c'est très difficile à décrire mais c'est bien au-delà de ce à quoi je m'attendais... Le sevrage de communication est compliqué mais je le compense en pensant beaucoup à ma famille et à mes amis et je vous imagine scrutant votre écran afin de contrôler que ce petit bateau continue bien sa progression vers Sainte Hélène ...



Le mousse un peu mystique ces temps-ci.
Lionel.



 LIONEL - Traversée Cape Town-Ste Hélène -2


Jeudi 12 janvier, longitude x latitude y (en gros nulle part) : Enfin des nouvelles du mousse vous dites-vous, inquiets que vous êtes de son triste sort !!!! Mais que devient-il ? Le reste de l'équipage l'a-t-il jeté par-dessus bord, échangé contre de la nourriture auprès d'un cargo ? Et s'il est encore à bord comment survit-il à la tyrannie du capitaine et à la perversité de la muse du capitaine ...

(NDR : Illlustration de ces derniers propos avec un Arrêt sur image : Alain et Lionel en train de prendre leur café dans le cockpit, casquette et lunettes de soleil à poste, doigts de pied en éventail. Le tyran qui croupit dans la cabine atelier, certes de Lionel, pour leur assurer de l’eau douce à profusion (car le dessal y a aussi sa place). La muse perverse qui lave vaisselle, verres, plats, casseroles et (….) éponges avant de frotter la nappe que les susdits qui se prélassent ont tachée de vin.

Droit de réponse de Lionel : Je n’ai pas renversé le vin.

Droit de réponse d’Alain : C’était pour servir du vin au Capitaine.)

Eh bien je tiens à vous rassurer tout de suite, il va très bien, je dirais même plus il va très très bien. Dans l'espoir de lever les doutes sur sa situation mentale et physique voici un petit bulletin de son état de santé après 7 jours de traversée.

Difficulté nº 1 : Sa dépendance internet
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C'est vraiment le sujet, vis à vis duquel notre pauvre mousse s'en sort le plus mal. Il lui arrive encore plusieurs fois par jour de se saisir maladivement de son téléphone afin d'avoir sa dose... et là, de redécouvrir à chaque fois l'enfer de sa situation, celui-ci se résumant en une phrase sibylline : "AUCUN SERVICE" !!!!!!!
Le plus difficile étant surtout de n'avoir aucune nouvelle de sa tribu, cette absence générant une inquiétude lancinante tellement nous sommes habitués à ce lien permanent... hier notre mousse a été autorisé exceptionnellement à envoyer un tout petit SMS, son moral s'en est aussitôt ressenti, il y a même des membres de l'équipage qui l'on vu volé ....

Bilan : peu de progrès, à surveiller de très près, attention au retour en zone de couverture réseau.

Difficulté nº 2 : Son inadaptation à la vie en société
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Ah, voici l'une des principales difficultés d'une longue traversée, vivre à quatre dans un espace réduit... tout se passe très bien pour l'instant car nous avons affaire à un équipage où chacun sait s'isoler dans son coin et faire abstraction des autres... Georges bricole sur le bateau, Alain est un lecteur acharné, Alexandra cuisine et écrit et moi-même je m'adonne à de longues écoutes musicales.






Sur les tâches au quotidien, concernant les manœuvres le capitaine fait comme il peut avec ses équipiers ... mais nous progressons tous les jours, j'ai désormais à mon vocabulaire une vingtaine de nouveaux mots : choquer, border, écoute, contre écoute, drisse, bastaque, ris etc. et bien sûr mon préféré "Arthur" qui permet d'orienter le mât. Je peux désormais réagir à "choque la contre écoute de foc" ou "borde la bastaque tribord" balèze non !!!

Concernant les tâches ménagères, nous sommes quasiment interdit de participation, le bosco régnant en maîtresse absolue sur ce domaine... je me suis très vite adapté à cette situation et en fait donc le moins possible (j'épluche). A l'inverse, Alain a essayé d'aider, mal lui en a pris... il faut dire que les règles sont fort nombreuses par exemple, il n'y a pas moins de 6 éponges en cuisine chacune ayant un rôle bien précis... la moindre erreur d'utilisation peut vous être fatale ...

Note de la NDR rudement attaquée, à tort, sur le sujet "éponges" : à bord de Bluenote il y a 2 éviers, 2 robinets, 2 pompes. 1 pour l’eau de mer. 1 pour l’eau douce. Dans un souci d’économie d’eau, souci loué  - question aux lecteurs : " loué " pour : le souci, l’eau et l’économie ; donc dois-je l’accorder au pluriel ??  -  par le capitaine, par ailleurs mon homme (on peut certes y voir du favoritisme mais légitime), je leur ai attribué à chacun une éponge. Pour les 4 autres éponges trouvées à mon arrivée à bord, je n’ai pas encore compris leur raison d’être. Le capitaine interrogé sur le sujet reste silencieux : le pouvoir, c’est de maintenir dans l’ignorance ses sujets !

Bilan : Doit rester concentré, une étourderie peut annihiler tous les efforts consentis.


Difficulté nº 3 : Son incapacité à garder l'alimentation dans son estomac
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Très net progrès, après un vrai mal de mer au passage de Bonne Espérance, trois jours un peu compliqués (genre Farugia dans  "la cité de la peur" pour les connaisseurs) et depuis rien !!!!!

Bilan : Ne pas faire le fanfaron, rien n'est gagné, la mer est 1000 fois plus calme que lors du passage de Bonne Espérance ou du départ de Cape Town...




Voilà, les dernières nouvelles, en me relisant je m'aperçois que je parle beaucoup de moi et qu'il semblerait que j'ai bel et bien choppé une AlainDelonite en pleine mer (parler de soi à la troisième personne)... après analyse, j'arrive à la conclusion que c'est peut être un effet de bord de la haute mer... En effet, je m'imaginais la haute mer comme quelque chose d'immense, de l'eau à perte de vue, un truc vertigineux (genre grand canyon). Il n'en n'est rien, le paysage se résume en un cercle d'eau de rayon relativement raisonnable (2 milles) dont  Bluenote et mes acolytes sont en permanence le centre !!!!!




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