lundi 30 janvier 2017

Traversée Saint Helena - Joao Pessoa - LIONEL 2



Samedi 21 janvier (mort du roi) en tant que fan du général Bonaparte nous ne portons pas de brassard noir, faut pas déconner quand même !

Nous sommes à nouveau au milieu de nulle part, il n'y a même plus d'oiseaux nous sommes seuls seuls seuls et nous nous relayons toutes les nuits pour constater tous les quarts d'heure cet état de fait : il n'y a vraiment personne.

L'ambiance sur le bateau est calme et détendue, nous vivons sur nos souvenirs de Sainte Hélène. Quelques petites inquiétudes malgré tout, la faiblesse du vent et la pénurie de protéines qui nous guette. En effet, du fait de l'absence de viande et de poisson à Sainte Hélène, le dernier de nos repas se définit ainsi : entrée Patate, plat de résistance Patate... le Bosco remet au goût du jour son ancien surnom de Miss Patatas ! Elle nous promet déjà la réalisation d'une de ses recettes fétiches "pomme de terre fondante avec son cœur de riz" mmmmmmh.

NDR : NO COMMENT !!! sinon des exemples de menus à bord :
- saucisse corse apéro puis tartare de coryphène -un vrai délice- et un tb plat de fusilli avec tomates pesto de Corse, poivrons rouges et oignons + pâte d’ail.

- riz avec lentilles revenu à la poêle, accompagnant le reste de curry de l’autre jour agrémenté d’haricots verts + pois chiches et lait de coco + écrasé de gem squash acheté en Afrique du Sud sur le conseil de Brigitte.
- et des gâteaux dont celui à la farine de chataigne de Corse et des « pancakes » corses avec cette farine

Que sont devenus nos rêves de ceviche, de tartare et de steak de thon !!!!!
Tous les jours nos pêcheurs installent les cannes à pêche et tous les soirs ils les rangent sans qu'aucune touche ne soit venue égayée la journée...

En fait pour dire la "vérité vraie", nous sommes au bord du désespoir, l'estomac gonflé par tous les féculents absorbés et le mousse s'inquiète de plus en plus des petits conciliabules de l'équipage en manque de protéines.

NDR : « le sort tomba sur le plus jeune, ohé ohé »  encore fringant comme en témoigne cette photo de lui à Jamestown :


Nous sombrons alors dans la superstition, le jour de la seule et unique pêche de la traversée (la mémorable dorade coryphène), Alexandra avait sacrifié un saucisson corse à nos appétits féroces, fallait-il renouveler l'offrande... Chacun de nous pensait de toute manière qu'il n'y avait plus de saucisson dans nos réserves.... faux, il en restait un dernier spécimen dans les planques de la taulière !!!




 oui... vous allez vous faire un torticolis pour admirer cette photo, mais elle est prise par l'iphone de Lionel et je ne peux la remettre verticale !

Donc repas de midi = cérémonie païenne : entrée saucisson corse, plat de résistance ragoût de patates aux lentilles et aux flageolets (un peu lourd je dois avouer) et moults incantations au dieu de la pêche. Et puis l'attente, l'attente et bientôt à nouveau la résignation ... L'heure du dîner approche, les visages se crispent, encore un de ces putains de dîner Vegan !!!!!!

NDR : cf précédente note sur le sujet des menus !!

Et puis alléluia, le saucisson corse est vraiment sacré, le moulinet de la canne à pêche d'Alain se met à chanter et à se dévider à une incroyable vitesse : c'est du lourd !
Les pécheurs se précipitent pour tenter de ramener la prise directement dans nos assiettes, le combat est héroïque... nous ne voyons rien sinon que cela tire fort au bout du fil, nous apercevons enfin un éclair d'argent qui remonte des profondeurs, le capitaine tire sur la ligne et là, miracle, un magnifique thon atterrit directement sur le bateau... le capitaine le bloque sur le sol et réclame immédiatement la planche et le grand couteau !!!!!

Nous, les assistants, Alexandra et moi, bien sûr nous n'avons rien préparé à l'avance, pas parce que nous sommes des bons à rien mais parce que ça porte malheur évidemment... c'est donc un peu la panique, nous courrons dans tous les sens et le capitaine réclame à cor et à cri son matériel de mise à mort, la bête n'a pas envie mais pas envie du tout de rester avec nous... contrairement à Lionel qui rêve d'évasion :



La bête, Madame Thon,  est incroyablement belle et dodue, bleue et argent impossible à décrire, une œuvre d'art... le couteau est désormais dans les mains du capitaine qui méticuleusement s'applique à détacher la tête de notre thon de son corps... le combat est rapide, le pont du bateau se remplit de sang "écarlate" et Alain, à la manœuvre depuis le début au moulinet, extrait de la gueule du poisson désormais détachée de son corps l'énorme hameçon. La messe est dite, la bête repose sans tête sur le pont de Bluenote, le capitaine présente la tête au peuple (quelle symbolique en ce 21 janvier), tout s'est passé très vite et le résultat est là devant nous : un magnifique thon qui va sans coup férir être cuisiné à toutes les sauces.

Les pêcheurs passent directement à la phase dépeçage et nous les assistants à la réalisation immédiate d'un ceviche de thon rouge. Il  y a forcément une ambiance de sang, la chair du poisson est rouge, le pont est rouge et Alain et le capitaine dégustent directement des morceaux de chair avec leurs mains pleines de sang...
Le mousse vit plutôt bien ce moment d'euphorie sanguinaire, il se rend bien compte qu'il est sur une scène de chasse, que l'instant est brutal et sauvage... mais en réalité, son estomac vit beaucoup moins bien la situation et l'en informe immédiatement.

En professionnel, le mousse s'écarte de la scène de crime et se précipite en cuisine pour se concentrer sur la réalisation du ceviche. Rien de tel qu'une bonne occupation pour faire passer un mal de ventre. Acte 1 pressage des citrons verts sans problème, acte 2 épluchage des oignons rouges sans problème, acte 3 découpage au couteau des filets de thon arrivés directement de l'atelier dépeçage... Là encore, notre mousse est méthodique, il découpe, il ne pense pas, il est au taquet... Un petit détail attire pourtant son attention, il maintient de sa main gauche les énormes morceaux de chair et découpe allègrement de sa droite. Et là,  une sensation de chaleur envahie sa main gauche, est-ce la réalité ou non mais l'effet est immédiat, il réalise que la chair est encore chaude... le mal est fait, son estomac recommence à exprimer son désarroi sous la forme d'un enchaînement de micros spasmes.

Le ceviche prend forme, quelques questions se posent sur l'assaisonnement, tout l'équipage est désormais autour de la préparation et notre mousse est concentré concentré (sur son estomac bien sûr). Alexandra demande alors au mousse de valider l'assaisonnement en goûtant le ceviche !!!!!! C'est impossible, il n'est absolument pas en capacité de pouvoir manger n'importe quel aliment, alors les morceaux de thon qu'il vient de découper, vous imaginez !!!!

Patatrac, après tous les efforts consentis par notre mousse pour se faire accepter tout est à refaire... il est à nouveau la risée de l'équipage, une fillette qui s'évanouit à la vue du sang, une gonzesse (*) en quelque sorte. Ce soir, il dormira dans l'armoire à ranger les pare battages à l'avant du bateau... tout est à refaire.

Le mousse

PS. Après un longue phase de méditation de pleine conscience face à l'océan, j'ai repris le contrôle de mon estomac, ceci m'a permis de picorer quelques morceaux de ce fameux ceviche qui était vraiment vraiment excellent... demain pavé de thon au déjeuner  façon tourne retourne, un jus de citron vert... le moral est bon malgré la faiblesse du vent, je pense que le thon y est pour beaucoup merci à Alain et surtout à sa nouvelle canne à pêche achetée dans une des multiples épiceries de Sainte Hélènoise et désormais déjà amortie.

(*) La NDR s’insurge devant cette désolante discrimination sexuelle. Et en note l’inadéquation à la situation vécue, le cuistot étant une femme qui, elle, n’a pas été chavirée par ce festin sauvage auquel elle a participé avec une joie barbare et qui a tenu sa place de femme : à la cuisine, comme il se doit !!!



2 commentaires:

  1. Quelle chance d'arriver au Brésil alors que nous, nous sommes sous la pluie et dans le froid à Sète. JP a la nostalgie de Blues Note. Il a affiché la carte marine de l'Indien dans le bureau. Bisous. Edith.

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  2. Quelle chance d'arriver au Brésil alors que nous, nous sommes sous la pluie et dans le froid à Sète. JP a la nostalgie de Blues Note. Il a affiché la carte marine de l'Indien dans le bureau. Bisous. Edith.

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