Suite des aventures sous l’œil
sensible et avisé de Jean-Pierre car Bluenote vient de terminer sa traversée de
Cocos Keeling à Rodrigues : 11 jours de navigation leur ont permis d'arriver à
Port Mathurin où ils ont mouillé le 8 septembre au soir.
Les impressions et sensations de
Jean-Pierre écrites pendant ses quarts de nuit vont continuer à nous faire
découvrir la vie d'un équipier qui découvre le bateau à voile, grâce à Bluenote
et Captain Georgio.
Un régal à lire !
" Sixième quart de nuit : vent debout
Lundi 29 août – 3h25 : 77 miles
au sud-ouest de Cocos Keeling ; 1917 miles de Rodrigues.
Il m’a été difficile de
m’extirper de ma couchette tout à l’heure pour ce sixième quart de nuit depuis
mon départ. Non pas que le sommeil m’y clouait, je ne dormais plus depuis bien
longtemps et avait même lu quelques pages de l’ennuyeux bouquin de Max Gallo
sur l’âme de la France (faut le faire, en plein océan indien, lire un ouvrage
qui ne vous transporte que sur les rivages du nationalisme cocardier,
c’est-à-dire pas bien loin !).
Non, ce qui me retenait au lit,
c’était précisément la position allongée, celle où le centre de gravité est au
plus près du plancher de Bluenote. La perspective de me remettre à la
verticale, élever donc le centre de gravité au mépris de l’équilibre, ce qui
est pourtant la station privilégiée par l’homo sapiens, ne m’enthousiasmait
guère.
Il faut dire que depuis notre
départ des îles Cocos, nous affrontons un vent qui a changé de secteur. Il est,
depuis quelques jours, sur le point de passer au sud-ouest qui est le cap que
nous devons suivre pour atteindre Rodrigues, à près de deux mille miles d’ici.
Le voici nettement plus sud
maintenant mais, en première partie de nuit, il soufflait dans le 30e, donc
pratiquement face à nous.
Autant dire qu’à l’allure imposée
du « près serré », Bluenote n’avançait guère (5 à 6 nœuds pas plus) et la
contrepartie d’une faible allure, avec la grande houle de l’Indien par bâbord,
était le mouvement du bateau semblable à celui d’une noix dans une lessiveuse.
En parlant de noix (de coco bien
sûr), le départ de l’archipel australien du bout du monde où nous aurons
finalement passé sept jours, fut un grand moment.
Je n’oublierai sans doute jamais
l’arrivée sur cet atoll de carte postale sous une lumière éclatante renvoyée
par les bleus tout en nuances du lagon et le blanc incroyable du sable.
Je n’oublierai pas non plus les
alignements des cocotiers qui se balançaient mollement dans l’alizé, les plages
peuplées de crabes véloces et de bernard-l'hermite aux pattes rouges planqués
sous d’énormes coquilles de nacre.
Je me souviendrai sans doute
longtemps aussi de cet instant du départ où nous avons doublé l’île de
Horsburgh qui marque la sortie de la passe nord de l’archipel. Je me
souviendrai de cette terre chaude, mouillée par la succession des grains qui
embaumait le vent de mille senteurs, des grandes vagues de l’océan sur
lesquelles nous nous engagions au-delà des tourments écumeux de la barrière de
corail.
La terre qui se rappelait à nous
par ses odeurs, la mer qui nous appelait par son immensité. C’est sans doute ce
double attachement qui pousse le marin à prendre le large. Il sait que de
l'autre côté des océans, il y a une escale qui l’attend.
Des Cocos, j’emporte également le
souvenir de cette petite communauté d’Australiens d’origine malaysienne. Quatre
cents âmes, guère plus, qui vivent de peu et sans doute beaucoup de la
solidarité de l’Etat.
T
outes sont rassemblées sur Home
Island, vivant dans des bungalows identiques sur cette île où les femmes
voilées circulent au volant de quads et de voiturettes de golf. Où les hommes
vont à la pêche sur les récifs du lagon à bord de barcasses en aluminium qu’ils
tirent ensuite sur le rivage et remorquent jusqu’à chez eux. Où les familles se
rassemblent au retour des pêcheurs, pour nettoyer les poissons et sans doute
les mettre à sécher pour leur propre consommation car on imagine mal à qui ils
pourraient les vendre. Où le petit supermarché n’est ravitaillé en produits
frais que deux fois par mois quand l’avion-cargo venu de Perth est en mesure de
se poser. Où, enfin, l’appel à la prière du muezzin depuis la mosquée en tôles,
rythme la vie cinq fois par jour.
Nous avons poussé jusqu’à la
pointe orientale de Home Island, là où la communauté enterre ses morts :
alignements de pierres tombales gravées d’inscriptions en arabe et
encapuchonnées de voiles blancs.
A l’exception, un peu à l’écart,
de quelques stèles chrétiennes appartenant à la même famille, toutes les
pierres tombales sont orientées vers la Mecque.
Que vont devenir ces hommes et
ces femmes, jaloux de leurs traditions, formant un groupe humain dont la
religion est le ciment ?
Condamnée à l’assistanat, menacée
par la consanguinité, la communauté malaise de Cocos Keeling, ne semble pas
promise à un brillant avenir.
Un Australien résidant sur l’île
auquel nous en parlions, laissa tomber avec un soupçon de mépris : « les hommes
qui veulent rester vont chercher leurs femmes en Malaisie », à deux mille
kilomètres d’ici. Mais lui-même, blanc originaire de Main Land, n’est-il pas
dans une situation tout aussi surréaliste : loueur de voitures sur une île
(West Island) qui ne compte que quelques dizaines de kilomètres de routes !
(...) 5h30. Le pont de Bluenote
est régulièrement balayé par des averses de pluie fine. Elles nous rappellent
que plus nous avançons dans le sud (nous avons gagné 4° de l'attitude depuis
Bali), plus l’hiver austral est marqué.
La lune, à son premier quartier,
n’éclaire que faiblement le ciel où s’épanouissent les constellations. De temps
à autre une étoile filante dégringole sur l’horizon.
Le catamaran trace sa route le
long d’une variante sud. L’objectif est de contourner le front dépressionnaire
qui croisera notre trajectoire vendredi en remontant vers le nord. Mon sixième
quart, le premier sur la route Cocos-Rodrigues, prend fin. "
Alexandra à Sartène, Corse.
Bienvenue aux Mascareignes dont Rodrigues est la première Île avant Maurice puis la Réunion .
RépondreSupprimerLes Mascareignes tiennent leur nom de Don Pedro de Mascarenhas le navigateur portugais qui "découvrit" l'archipel vers 1513 ...
Rodrigues fait partie de la république de Maurice mais jouis d'une relative autonomie.
C'est essentiellement une île de pêcheurs et accessoirement un haut lieux du Kite surf sur la côte sud est tres ventée !
Je vous recommande la visite en scooter qui peux se faire dans la journée !
Bises à tous
Paul depuis La Réunion
TRop de suspens!!! La suiiiiiiiite!
RépondreSupprimer