lundi 19 septembre 2016

Traversée Bali-Rodrigues-Maurice – 18ème quart de nuit


Vous le savez déjà, Georges et Bluenote avec ses 2 « équipiers de l’Indien » Jean-Pierre et Alain, sont arrivés à Maurice le vendredi 16 septembre, 1 mois après leur départ de Bali, le 16 août. Mais, de mer, il y eut dix-huit jours et quelques heures de navigation.

C’est la fin de cette traversée Bali-Rodrigues-Maurice.
Georgio, Jean-Pierre et Alain profitent de cette belle île, partent à sa découverte. Ils se prélassent aussi. Chez des amis qui les choient : les caris mauriciens de mon amie Josic sont réputés, je m’en souviens encore, j’y suis allée en 1982 !
Le 22 septembre, les 2 équipiers de l’Indien débarqueront, un nouvel équipier embarquera, notre neveu François Gourand, pour la suite des aventures de Georgio et Bluenote…

Un immense merci à Jean-Pierre pour les récits dont il nous a tous régalés en nous livrant ses sensations lors de ses quarts de nuit. Car l’Indien « c’est pas rien » comme il le supposait au début de son voyage.

Et puis ses récits, vous en conviendrez, étaient "aux petits oignons " !!
Alexandra, à Sète.


« Dix-huitième quart de nuit : Maurice, le bout de la route

Vendredi 16 septembre3h18 ; 44 milles de Port-Louis (Maurice), 295 milles de Port-Mathurin (Rodrigues) ; 19°53’ sud, 58°12’ est (latitude de Masqat, sultanat d’Oman) ; vitesse de Bluenote, 8,9 nœuds ; cap, 264e ouest ; vent, 19, 20 nœuds secteur SO. Pression atmosphérique, 1019 Hp ; température, 22,7°C ; humidité, 72%.

Au loin, dans la nuit, des lumières. Nous fonçons vers elles à plus de huit nœuds, malgré un ris pris dans la grand-voile et le génois partiellement enroulé.
Nous fonçons vers le terme de cette traversée de l’Indien qui aura duré dix-huit jours et quelques heures (sans doute cinq). Nous devrions toucher Port-Louis entre 8h et 9h pour faire notre entrée sur le territoire de l’île Maurice.

Nous avons beau venir de Rodrigues qui appartient au même état, il nous faudra recommencer les formalités : gardes côtes, douanes, immigration. Puis nous ressortirons pour nous rendre sur notre site de mouillage à Grand Baie, au nord de l’île.

Hier, l’océan nous a offert tout ce qu’il pouvait nous offrir : lever de soleil triomphal sur une couronne de nuages, passage de grands cétacés dont nous avons aperçu les souffles et le bout d’une nageoire caudale à quelques centaines de mètres de nous, puis au milieu de l’après-midi, nouvelle touche sur la ligne tribord : notre deuxième poisson en deux jours ! Après le thon jaune de la veille, nous avons remonté cette fois un barracuda de belle taille aux dents acérées. Le congélateur déborde : ce sera poisson à tous les repas jusqu’à notre départ pour la France dans une semaine.



Verre de rhum orange-citron à la main, nous avons célébré ce dernier jour de navigation sur le pont alors que le soleil incendiait le couchant, puis à table avec salade mixte et omelette pommes de terre, tomates et... oignons. Un menu d’exception exécuté de main de maître par le cuisinier du bord. Le tout fut arrosé d’un petit merlot d’Afrique du sud (nous sommes au sud de l’équateur).

Tout au long de cette belle journée de mer (ciel dégagé, vent soutenu de secteur sud-ouest, houle ample), nous n’avons cessé de croiser des cargos. Ceux qui remontaient vers le nord se dirigeaient vers Singapour ; les autres, vers des ports de la côte occidentale de l’Afrique. L’Indus Triumph, un vraquier de 230 mètres de long, a ainsi croisé notre route à moins d’un mille vers 13h20. Une rencontre impressionnante.

Je remonte sur le pont pour corriger le cap sur le pilote automatique. Fonçant à neuf nœuds alors que les fonds remontent, Bluenote vient de décrocher de la route. J’abats de cinq degrés, puis de deux et de deux encore. Je corrigerai ainsi à plusieurs reprises avant qu’enfin la silhouette rouge sur la carte de l’ordinateur de bord, rejoigne le trait bleu qui conduit au way-point où nous changerons de cap pour descendre du nord de l’île vers Port-Louis.

Dehors, l’éclat puissant de la pleine lune parvient à dominer l’obscurité malgré la couverture nuageuse. Les lumières de Maurice se précisent sur bâbord. Face à moi par tribord, j’aperçois les masses sombres de Round Island et de Serpent Island.

J’avoue que cette navigation de nuit, si près des côtes, m’impressionne un peu. « L’ennemie du marin, ce n’est pas la mer, c’est la terre », m’a souvent dit Captain Georgio. En ce début de journée où je devrais me réjouir de l’approche des côtes, je serais plus rassuré si j’étais à plus longue distance d’elles. En même temps, cette approche de Maurice fascine le passionné de géographie que je suis.

J’ai hâte cependant que le jour pointe.

(...)
5h50. Le jour se lève. Je viens d’avoir un premier contact radio en anglais avec les gardes côtes mauriciens sur le canal 16. Je leur ai décliné notre identité. Ils m’ont donné le numéro d’un nouveau canal pour poursuivre, numéro que je n’ai pas saisi. Je les ai rappelés sur le 16. Pas de retour. Ils reviendront au contact.

Nous entrons sur une zone où les fonds sont inférieurs à cent mètres. Le cap est difficile à tenir et exige une attention permanente. À bâbord, la ligne de crête de Maurice s’est précisée. La partie la plus haute de l’île me semble être au nord avec une série de pics très prononcés. A tribord, nous doublons Round Island au profil arrondi comme son nom l’indique et Serpent Island, deux cailloux pelés et déserts. Loin devant nous, j’ai en vue les pointes de Gabriel Island et de Gunner’s Quoin ainsi que d’autres îlots. Le temps est couvert, la mer agitée est grise. Des rideaux de pluie balaient l’horizon au sud ainsi que les crêtes de Maurice.

(...)
8h00. Bluenote double à bâbord la pointe basaltique de Gunner’s Quoin, accompagné par plusieurs bancs de dauphins. Le soleil joue avec les nuages. En arrière-plan, la plaine littorale de Maurice butte sur les massifs montagneux cachés par la brume. Il fait frais et c’est normal, nous sommes à la fin de l’hiver austral, le climat tropical océanique, ce n’est pas l’été permanent. Il faut que je m’y fasse. Je relève le col de ma veste de quart que j’ai revêtue pour la première fois hier.

Passé l’abri de l’îlot Gunner’s Quoin, le vent nous propulse à dix nœuds vers la pointe des Canonniers. Un grain passe puis le soleil revient. Nous doublons Grand Baie où nous reviendrons mouiller une fois les formalités accomplies à Port Louis. Sur tribord passe un énorme porte-conteneurs.

(...)
9h30. La ville de Port Louis, capitale de Maurice, est face à nous, à moins de deux milles, adossée à un arrière-pays de montagnes escarpées et dentelées. La présence de nombreux bateaux de commerce sur rade (j’en dénombre une bonne dizaine) est la preuve que nous arrivons au cœur de l’une des principales économies africaines. On aperçoit les portiques d’un terminal conteneurs. La côte aux abords de la capitale est modérément urbanisée. Vers le nord, au-dessus de la plaine littorale, on aperçoit un plateau très vert, sans doute cultivé. Des usines envoient leurs panaches de fumée vers le ciel.


(...)
10h40. Nous sommes amarrés au quai des douanes. Après avoir remonté le long chenal qui longe les installations du port de commerce entre deux rangées de bateaux de pêche taïwanais, guidés à la radio par les gardes côtes, nous sommes finalement parvenus à l’endroit où nous attendaient les militaires. Le quai est bordé par toute une série de restaurants. La darse est au cœur de ville. Elle est longée par de nombreux immeubles modernes à clochetons et au style vaguement colonial. La plupart hébergent des banques. Le plus imposant abrite la représentation de la Bank OF China. Face à nous part une avenue avec un alignement de cocotiers. La circulation est intense. Nous sommes dans une petite métropole aux allures occidentales et si n’étaient les pitons basaltiques très proches couverts de végétation qui constituent un arrière-plan tropical, nous n’aurions pas l’impression d’être au bord de l’océan indien, à mille lieues de chez nous. »


 

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