dimanche 18 septembre 2016

Traversée Rodrigues-Maurice – 17ème quart de nuit


Est-ce le dernier quart de nuit de Jean-Pierre à bord de Bluenote dans cette traversée de l’Indien qui les conduit, Georges, Alain et lui, de Bali à Maurice ?? …  Stay tuned !
Alexandra, à Sète.

Dix-septième quart de nuit : Un cadeau de départ.


Jeudi 15 septembre3h05 ; 207 milles nautiques de Port-Louis (Maurice), 132 milles nautiques de Port-Mathurin (Rodrigues). 19°44’ est, 61°06 sud (longitude du sud-est de l’Iran, entrée du golfe d’Oman).
Vitesse de Bluenote, autour de 6 nœuds ; vent autour de 13 nœuds dans le sud ; cap au 267 ouest. Pression atmosphérique, 1018 Hp ; Hygrométrie, 70% ; température, 21,8°C.

Suis-je en train de vivre mon dernier quart de nuit ? Peut-être pas. 

A la vitesse où nous allons, nous devrions être en vue des côtes de Maurice aujourd’hui en fin de journée. Port-Louis, où nous devons faire notre entrée, est à deux cent milles environ, soit à une vingtaine d’heures de navigation.

Nous savons cependant que le port est fermé la nuit et qu’il n’ouvrira qu’à 6h vendredi. L’option de réduire notre allure devrait donc être retenue par Captain Georgio. Nous l’avons d’ailleurs réduite de fait. Le vent est tombé aux alentours de minuit, rendant la navigation plus confortable.

Car elle ne l’avait pas été jusqu’alors. Loin de là...

Depuis notre départ de Port-Mathurin, hier à 10h40 jusqu’à minuit, soit pendant une bonne demi-journée, nous avons eu l’une des mers les plus difficiles de notre périple sur l’océan Indien.

Le vent de travers est toujours inconfortable sur un catamaran ; or celui-ci soufflait à plus de vingt-cinq nœuds, dépassant même les trente nœuds en rafale. Pas de grande houle mais des vagues courtes, puissantes, erratiques, qui bousculaient Bluenote dans tous les sens, le propulsant dans une course à plus de dix nœuds.

Les déferlantes arrosaient régulièrement le pont arrière, se brisaient sur le cockpit. Nous avons même eu droit à une mini inondation dans le roof, l’eau s’étant engouffrée par un hublot supérieur laissé légèrement entrebâillé.

Avec de telles conditions, la soirée n’a pas été très sexy. La préparation du repas (une grande salade mixte avec pâtes, tomates, laitue et... oignons) tenait de l’acrobatie : d’un pied à l’autre, une main pour la cuisine, une autre pour éviter un triple salto avant ou arrière ! Un menu simple pour des appétits en berne car, avec un tel temps, la tempête n’est pas seulement en mer mais aussi, un peu, dans les estomacs.

Le rythme du bord que nous avions mis entre parenthèses pendant la semaine de notre escale à Rodrigues, a repris. Dans la couchette, le sommeil a été agité en phase avec l’océan avant un lever compliqué un peu avant 3h.

Bon, Bluenote, ce n’est pas toujours la galère, loin de là. Il y a même de grands moments de gastronomie à bord, surtout à midi lorsque nous accordons tout le temps qu’il faut au repas, confortablement installés à l’ombre sur le pont arrière, lorsque la météo est bonne.

Nous avons quitté Rodrigues avec, dans le congélateur, suffisamment de parts (il nous en reste quatre) pour tenir jusqu’à Maurice, du thazard pêché il y a une semaine. Ce superbe poisson, décliné à toutes les sauces, nous aura fait dix repas.

Mais hier, aux abords de Rodrigues, une surprise nous attendait, comme un cadeau de départ offert par cette île au remarquable écosystème. Nous avions relevé l’ancre une heure auparavant et armé les deux canes installées sur les jupes arrière avec des bas de ligne achetées dans un magasin spécialisé de Port-Mathurin. Elles sont beaucoup plus résistantes que celles que nous utilisions jusqu’ici.


L’alerte sur la cane de tribord a été fulgurante. Alain s’est précipité, ralentissant la course du fil à l’aide d’un chiffon. Au bout d’un quart d’heure de combat, croché par Captain Georgio, le poisson était à bord : un magnifique thon jaune (yellow tuna) d’une petite dizaine de kilos.

C’est chaque fois avec un pincement au cœur que j’assiste à la remontée de ces magnifiques poissons. Celui-là, la bouche ouverte et ensanglantée par l’hameçon, avait une peau et des nageoires aux étonnants reflets dorés. Il me fixait de son œil rond et profond. J’ai cru lire de la terreur mêlée d’incompréhension dans ce regard.

Quelques instants après, je débitais, sans plus de scrupule, ses épaisses longes pour les placer dans des sacs de congélation. Il nous fera neuf repas. La perspective d’un steak à la poêle accompagné d’un riz au coulis de tomate me fit vite oublier le regard glacé que me jetait le thon royal...

(...)
5h26
, la lune qui jouait avec les nuages, a laissé place au soleil, la nuit au jour. Le levant s’illumine au-dessus d’un horizon marin qui baigne encore dans les profondeurs de la nuit. Devant moi, trop loin pour que je puisse le voir maintenant, le cargo Maersk Cubango vient de couper notre route. Il nous a accompagnés une partie de la nuit, descendant du nord-est sur notre tribord, destination le port de Lomé au Togo, sur la côte occidentale de l’Afrique.
Le bateau de 249 mètres de long, probablement un porte-conteneurs, marchait à une vitesse près de trois fois supérieure à la nôtre. Au moment où il a été le plus près de nous (moins de huit milles), j’ai aperçu ses lumières dans la nuit.

Le vent est tombé en dessous des dix nœuds, Bluenote n’avance quasiment plus. Il bruine.


















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire