La traversée se poursuit : ça se corse…..
Alexandra à Penta di Casinca, Corse.
" Dixième
quart de nuit : la journée critique
Vendredi 2
septembre – 3h21 ; 790 miles de Cocos ; 1 229
miles de Rodrigues. 84°54’ de longitude est, 17°54’ de latitude sud. Vitesse de
Bluenote entre 8 et 8 nœuds, 17 nœuds de vent apparent, 20 à 25 nœuds de vent
réel.
Nous sommes entrés dans la journée critique ; celle où
nous allons vérifier bon gré mal gré, si notre stratégie était la bonne.
Depuis notre départ des Cocos, dimanche à 13h30, nous
faisons tout pour maîtriser la course de Bluenote, le ralentir alors qu’il est
toujours prompt à galoper au-dessus des vagues. L’objectif était d’arriver dans
les parages que nous abordons maintenant, suffisamment tard pour éviter le
front perturbé qui remonte du sud depuis une importante dépression tropicale.
C’est pour cela aussi que nous avons opté pour une
route sud. Elle devait nous permettre de passer derrière ce front et de pouvoir
décrocher vers le nord-ouest « à la fuite » si l’on y était contraint.
Les prévisions téléchargées dimanche avant notre
départ des Cocos, ces fameux fichiers « grib » qui affichent la force des vents
sur une carte et permettent de dérouler leurs évolutions sur une dizaine de
jours, se sont révélées exactes jusqu’à présent et cette nuit encore...
Hier jeudi, après une première partie de journée où le
vent a singulièrement molli sous un soleil radieux, le ciel s’est chargé de
nuages en milieu d’après-midi et le sud-est s’est mis à pulser. La mer, calme jusque-là,
est redevenue très hachée, développant une houle croisée qui rend tout
déplacement à bord assez acrobatique.
Signe que nous abordons la perturbation, le vent s’est
à nouveau renforcé en milieu de nuit pour atteindre les 25 à 30 nœuds en
apparent avec une tendance à remonter vers le sud-ouest.
« S’il s’établit durablement à trente-cinq nœuds et
plus, tu abats de trente à quarante degrés. N’hésite pas. Et si ça se renforce
encore, tu me réveilles » : voilà les dernières consignes de Captain Georgio à
ma prise de quart.
J’espère pour lui, pour moi, pour nous trois, ne pas
avoir à le réveiller !
Je viens, tant bien que mal, de sortir sur le pont et
de me poster à côté de la barre pour scruter l’horizon. Quelques étoiles sont
visibles mais la nuit est dense. Sur bâbord, les vagues aux crêtes écumeuses,
déferlent vers nous, certaines se fracassent sur la coque du catamaran avec un
bruit de tir d’artillerie, d'autres parviennent à doucher le roof, la houle
mène un raffut d’enfer.
Dans le cockpit, le « bip » du détecteur radar
m’alerte. Il est 3h50, l’icône représentant l’étrave d’un navire, vient de
s’afficher sur l’écran de l’AIS, le positionnement par satellite. Un bâtiment
se dirige vers nous à bâbord mais sa route n’est pas inquiétante.
Je l’identifie comme étant le Winning Confidense, un
cargo de 289 mètres. Il est à 14 nautiques et va nous croiser à 12. Le bâtiment
fait route à une vitesse de 9 nœuds, cap au nord-est vers le port de Quindao,
capitale de la province chinoise du Shandon. Je crois apercevoir ses feux dans
l’intermittence des vagues, très loin au large.
Ces passages des navires de commerce sur la route
Afrique du Sud-Extrême orient, me rassurent. Ils doivent également rassurer
Edith qui depuis chez nous en France, les suit sur le site « marinetraffic.com
». Elle s’est souvent demandé si nous en rencontrerions : « On ne sait jamais,
au cas où... vous ne seriez pas tout seul », m’avait-elle dit avant le départ.
Encourageante perspective que ce « au cas où » !
La fréquence de ces passages n’est toutefois pas très
élevée. Curieusement, ils ont lieu plutôt en début de soirée. Hier, le seul de
la journée s’est produit alors que nous nous livrions à notre partie de cartes
quotidienne avant le dîner.
Surréalistes, ces moments où nous tapons le carton, où
nous nous retrouvons autour d’un rata petits-pois-carottes-champignons (sans
oublier les oignons !) à parler du pays, de Sète, de ses quais, de ses
pêcheurs, dans cet univers de tourments liquides, à des miles de toute terre.
En parlant de terre, pour me situer par rapport à un
amer virtuel, je dézoome la carte de navigation sur l’ordinateur du bord. Nous
sommes à la longitude 84°54’ Est, celle qui coupe, entre Madras et Calcutta, la
côte orientale de l’Inde.
Hier nous nous situions à la verticale du golfe du
Bengale.
Progression lente, patiente confrontée à l’impatience
qui naît en moi de revoir la terre.
Je me réfugie, pour m’en prémunir, dans de
complexes décomptes des jours, des heures qui nous restent, des miles à couvrir
et des nœuds pour les couvrir.
Complexes décomptes comme celui-ci : nous n’avons pas
encore atteint la moitié de notre parcours mais « seulement » mille deux cents
miles nautiques nous séparent de Rodrigues, exactement la distance entre Bali
et les Cocos.
Il nous avait fallu cinq jours pour rallier l’archipel
australien. Nous devrions donc arriver mercredi en vue des Mascareignes.
Passé le front perturbé, probablement ce soir, nous
lâcherons les brides de Bluenote pour une course toutes voiles dehors. Les
voiles de l’Indien.
(...)
6h30, heure de Bantam Village (Cocos Keeling).
L’orient s’éclaire d’une lumière sale, le ciel est plombé par de lourds nuages
noirs. Les pointes des vagues sont chargées d’écume et de violence. Elles
agressent lorsqu’elles le peuvent les coques et le pont arrière de Bluenote. Le
vent siffle dans l’éolienne. L’anémomètre monte de plus en plus souvent au-delà
des vingt-cinq nœuds. Le front perturbé est là, face à nous. Il va falloir
l’affronter. "
Confiance et courage aux matelots. À bientôt de vous lire à nouveau. ..
RépondreSupprimerConfiance et courage aux matelots. À bientôt de vous lire à nouveau. ..
RépondreSupprimerOhlala et moi qui vous lis de mon strapontin sur la ligne 1 direction La Défense !!!!!!! J'étais avec vous, le palpitant en alerte........... Et puis je finis ma lecture, toujours sur le Bluenote avec vous, à continuer, tête baissée à regarder mon petit écran, interloquée et stupéfaite de mon courage de braver la tempête avec vous. Et tout d'un coup je lève la tête et je ne comprends pas où je suis.......... Ya plein de monde........ Je vous embrasse, vous êtes formidables !!!!!!!! Bon vent et plein de merci de nous faire participer. Bon je me lance, je vais descendre à la Porte Maillot Pourvu que j'y arrive........
RépondreSupprimerSuper Catherine ta nouvelle aventure, j'adOre. Mais rassure-nous, es-tu bien arrivée à la porte Maillot ?!!!
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